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Critique de DocteurPlatoche


Bon, oubliez le résumé de l'éditeur, qui ne rend pas du tout justice à ce petit bijou du polar américain, pas plus que le titre français ne traduit le "Fast One" originel que Cain avait choisi pour son roman : "Fast One" peut signifier un coup rapide, mais aussi un coup au-dessous de la ceinture, une trahison, ou encore un bolide, une voiture qui permet de doubler ses concurrents ou ses associés. Plus encore, il résume la prose de Cain : nerveuse, paratactique et elliptique. Désolé pour ces termes pédants qui vont mal au teint rougeaud d'un polar qui pue l'alcool et la bagarre, mais faut bien avouer que l'écriture de Cain était d'une remarquable inventivité pour l'époque. La narration suit les pertes de connaissance du personnage, la phrase semble mimer les coups de poing donnés, rendus et le point final signifie souvent une blessure par balle.
L'histoire est difficile à résumer par ses nombreux retournements, voire ses tonneaux. En bref, Kells, joueur professionnel venu de New York sur la côte Ouest, en refusant de s'associer avec les caïds locaux se retrouver au centre d'une guerre des gangs. le roman joue avec une bonne partie de l'imagerie traditionnelle du gangster, de la femme fatale et, plus largement, des mythes américains - de la frontière, de l'individualisme et du "land of opportunities" pour n'en citer que quelques-uns. le roman est donc souvent ironique, mais jamais dérisoire. Les corps criblés de balles rappelle la 1ère guerre mondiale, dont Kells revient. le combat de boxe truqué donne lieu à l'une des rares identifications à un personnage de Noir à cette époque (et annonce quelques grands films comme "Nous avons gagné ce soir" de Robert Wise).
Les personnages sont particulièrement attachants par leur complexité. Kells est séduisant et c'est justement cette séduction qui lui attire des ennuis : les boss locaux lui proposent une amitié qu'il refuse. C'est un joueur avant tout, qui veut avoir le plaisir de mener sa barque seule. le seul problème est de savoir s'il saura quitter la table de jeu à temps. Granquist n'est pas une simple figure de femme fatale : d'abord fortement masculinisée, elle devient de plus en plus soumise et mièvre à mesure que son amant prend de l'assurance. L'ironie de ce statut féminin est assez sensible pour que Kells finisse par lui dire : "Don't be effeminate !". Comme pour Kells, Cain refuse de la soumettre à une image de papier glacé.
Ce roman longtemps sous-estimé est à lire pour tous les amateurs du genre : les néophytes y découvriront un style aussi acéré que celui de Hammett et les plus aguerris pourront savourer le jeu sur les lieux communs du polar.
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