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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2015, coécrits par Jonathan Tsuei & Eric Canete, dessinés et encrés par Canete, avec une mise en couleurs réalisée par Leonardo Olea.

Le récit s'ouvre avec une séquence muette de 10 pages. Dans un environnement futuriste, il y est question d'un étrange ustensile à échappement qui émet un tic-tac régulier. On peut également y voir une jeune femme jouer du violoncelle devant une audience qui n'est pas montrée. Une jeune femme (une autre ?) s'échappe d'un bâtiment en courant, se retrouve face à une troupe de soldats armée, et poursuit sa fuite.

Après cette introduction sibylline, le lecteur fait la connaissance de Rain Oshiro. Elle se réveille et se dépêche pour rendre quelque part. En sortant de son appartement, elle croise un voisin qu'elle aide. En sortant de son immeuble, elle voit son véhicule emmené à la fourrière. Elle se dirige alors vers la plateforme de téléportation pour demander à Deyliaf de lui rendre service et de l'emmener à son rendez-vous avec Elise.

La première chose qui marque le lecteur, ce sont les couvertures. Il s'agit de modélisations 3D des principaux personnages, réalisées par Manu Fernandez, à partir des dessins d'Eric Canete. Ces formes 3D sont rehaussées par des tonalités grises, afin de mieux rendre compte de l'impression de volume. Cela aboutit à une impression de statuette extraite de mangas, à l'effet saisissant sur les présentoirs de comics.

La deuxième chose qui marque le lecteur, ce sont les séquences muettes ou quasiment dépourvues de phylactères qui parsèment le récit. La première est composée sur la base de cases de la largeur de la page (à une exception près). L'artiste prend soin d'utiliser toute la largeur de la page (pas simplement une tête au milieu de chaque case) pour intégrer des informations visuelles. À la fin de cette introduction, le lecteur n'est pas certain d'avoir pu recoller tous es morceaux. La femme qui joue du violoncelle est-elle la même que celle qui fuit ? L'engin qui égrène le temps, est-il un simple métronome, ou le mécanisme d'un engin à retardement ? Mystère. Par contre, le mouvement de la course-poursuite est bien rendu, et le lecteur comprend que l'environnement s'apparente à de la science-fiction.

Le lecteur attaque le début proprement dit de l'histoire, en découvrant une autre jeune femme, à l'implantation des boucles d'oreille similaire à celle qui courrait. Il poursuit sa lecture en gardant à l'esprit la narration quasi exclusivement visuelle de la scène d'ouverture. de fait, il prête plus attention aux informations visuelles. Il voit donc des personnages aux vêtements vaguement futuristes, évoluer dans des endroits aux fonctions aisément identifiables, avec un habillage également futuriste. Au gré du scénario, il observe les personnages évoluer dans une chambre, dans un bar, dans un champ de neige en lisière de forêt, ou encore dans une prison isolée. L'artiste s'attache essentiellement à étoffer l'arrière-plan, sans pour autant donner une idée construite de l'aménagement spatial de l'endroit, ou du volume du lieu.

Les personnages présentent des morphologies diverses et réalistes, évitant les musculatures impossibles, ou les courbes accentuées. Les vêtements ont également une apparence futuriste, mais là encore sans que l'artiste cherche à concevoir une mode d'anticipation présentant une cohérence autre que visuelle, ou reflétant des avancées technologiques. le lecteur apprécie l'intelligence plastique de ce qui est montré, sans aller jusqu'à la pamoison devant une beauté exceptionnelle. Il apprécie plus le sens du cadrage et les plans de prise de vue.

Eric Canete tient ses promesses de montrer l'histoire, plutôt que de l'exposer au travers de longs dialogues, ou de copieux commentaires des cellules de texte. Alors que ses dessins présentent des contours avec des angles, sans beaucoup d'arrondis, le charme de la narration très fluide opère sur le lecteur. Dans le chapitre 3, c'est un vrai plaisir de lecture que de voir comment la police de l'Origami intervient dans un bar bondé pour essayer de capturer Rain Oshiro qui tente de fuir la ville de Prygart. L'artiste conçoit ses pages de manière à montrer l'attention que Rain Oshiro prête à son entourage. Il met en scène avec force, l'irruption des chiens de chasse mécanique. Il montre le mouvement de foule qui s'en suit, la manière dont la police essaye de le canaliser, ainsi que la réaction rapide de la protagoniste. Il sait placer le lecteur au meilleur endroit pour qu'il puisse observer les différentes actions.

Leonardo Olea effectue une mise en couleurs qui souligne les volumes, sans pour autant les accentuer. Il effectue un travail impressionnant pour que chaque surface se détache de ses voisines, sans pour autant accoler des couleurs trop tranchantes. Par la force des choses, le recours à des séquences sans beaucoup de texte rend la lecture assez rapide. Néanmoins les auteurs ne compensent pas cette narration très visuelle par des dialogues copieux dans les scènes de discussion. Ils ont procédé à un impressionnant travail de conception pour que les dialogues restent à un volume raisonnable et complètent les images, plutôt que l'inverse.

En 4 épisodes, le lecteur apprend d'où vient Rain Oshiro, quel fut son métier au service du gouvernement de l'Origami, ce qu'est le mur, et qui souhaite la capturer. Mais la personnalité des protagonistes n'est guère développée. Il n'est pas possible de réduire cette histoire à un scénario prétexte pour y coller une enfilade de belles images. Pour commencer, Eric Canete et son équipe s'intéressent plus à la narration visuelle, qu'à composer de belles images prêtes à être transformées en poster. Ensuite le lecteur découvre l'environnement et les motivations des personnages, au travers de cette fuite qui se transforme rapidement en course-poursuite, avec une poignée de retours en arrière.

Il apparaît que le motif du violoncelle est finalement anecdotique, et que la situation de la ville ne connaît pas non plus de développement important. Il est question d'un mur qui l'entoure, mais le lecteur ne saura pas de quoi se protège le gouvernement de l'Origami, ni comment fonctionne l'économie de cette cité, ainsi séparée du reste du monde. Deyliad travaille dans un centre de téléportation, mais là encore, le récit ne rentre ni dans le détail de la technologie, ni dans les destinations qu'il permet d'atteindre. Enfin, Rain Oshiro essaye de s'échapper de la ville par le biais de passeurs illégaux, mais le récit ne dit pas pour aller où.

Une fois le tome refermé, le lecteur constate qu'il a passé un bon moment, grâce au soin apporté pour concevoir une narration visuelle. Eric Canete module la structure de ses planches en fonction de la nature de la séquence. Il peut passer d'une page comprenant 12 cases, à une n'en comprenant que 4, pour aboutir à un dessin en double page. Il transcrit avec conviction un environnement urbain d'anticipation, d'un modeste appartement aux docks, en passant une chambre d'enfant. Les images présentent un monde d'anticipation avec une bonne cohérence visuelle, sans pour autant qu'il décrive une technologie plausible, et sans montrer la nature des avancées technologiques. Il prend plus de plaisir à imaginer des créatures et des armures mécaniques, au design sympathique, sans être un décalque de mangas.

Le lecteur se rend également compte que les créateurs ont su étoffer la course-poursuite. Elle sert de fil directeur à ces 4 épisodes, tout en comportement des renseignements sur les personnages et leur passé. Mais dans ce nombre de pages réduit, il est impossible de comprendre ce que recherche réellement le gouvernement en place, les motivations de Janus (le responsable de l'équipe d'intervention), ou vers quoi veut fuir Rain Oshiro.

Le tome se termine avec 2 pages de croquis pour la conception visuelle des personnages. Il y a ensuite 2 pages montrant les différentes étapes du croquis jusqu'à la case finie, avec la mise en couleurs. Enfin les 2 dernières pages permettent d'observer les différentes étapes allant du croquis à la modélisation 3D (pour les couvertures). Au final, il s'agit d'une lecture distrayante, avec une dimension visuelle maitrisée et efficace, mais qui manque un peu de fond. 4 étoiles pour un début intrigant en espérant que la suite sera plus consistante.
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