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Critique de paulmaugendre


Emergeant péniblement d'un rêve aussi bizarroïde qu'étrangeoïdal après une réception arrosée, le jeune Lionel Sehauvagnac, attaché de cabinet au ministère de l'Intérieur en charge des relations avec la presse, est dérangé en pleine nuit, alors qu'il aimerait pouvoir se rendormir, par un appel téléphonique d'un certain Mortimer O'Donnell, golfeur, bridgeur (jeu de cartes et non odontologue), et accessoirement attaché culturel à l'ambassade des Etats-Unis à Paris.

L'homme, réputé comme pratiquant l'humour potache, a pris une voix mourante, et son discours est incohérent. Il parle de Sécurité, chef ambassade, CIA, noyautée, mauvais pour la France, Marcel, Guadeloupe… le tout entrecoupé de points de suspension qui ne sont discernables que par écrit et qui pourraient se traduire par des blancs. Puis un silence, un corps tombant sur un tapis.

Une farce pense Lionel Sehauvagnac, qui après un stage dans sa salle de bains se décide à rappeler son correspond, désirant lui signifier qu'il ne croit pas à cette farce morbide. Mais c'est un policier qui lui répond tout en le questionnant et lui demandant ses coordonnées. Peu après l'inspecteur-chef Filatelli accompagné d'un subordonné dont on apprend qu'il se nomme Macherin, débarquent chez le diplomate diplômé.

Ils ont découvert le fameux Mortimer O'Donnel, qui par ailleurs possédait plusieurs jeux de papiers d'identité, différents dois-je préciser, mort et donc incapable de narrer ce qui lui est arrivé, ainsi qu'un autre larron, inconnu, et que les deux hommes se seraient entretués.

L'entretien entre Lionel Sehauvagnac (ai-je omis de vous dire qu'il faut prononcer Sauvagnac ?) et les deux policiers est plutôt âpre et cela finirait mal si l'arrivée impromptue ne venait interrompre le début d'un échange qui de verbal est devenu musclé, du commissaire Poitoux, de la DST. Au cours du transfert de Lionel Sehauvagnac à la DST, Poitoux lui apprend que Mortimer était un faux diplomate mais un véritable agent secret professionnel.

Grâce, ou à cause, de ses relations extraprofessionnelles avec Mortimer et parce qu'il pratique couramment la langue de Mark Twain, Lionel est convié à se rendre à la Guadeloupe puis dans l'archipel des Saintes, effectuer une mission pour le compte du gouvernement français. Et il rencontrera quelques connaissances américano-canadiennes, des insulaires, des truands, des membres de la CIA, ainsi que de chaleureuses partenaires qui ne comptent pas leurs efforts pour lui enchanter ses nuits.

S'ensuit une histoire au cours de laquelle on pourra dénombrer quelques cadavres, des dommages collatéraux dont un pauvre gamin qui sert de petit facteur, et qui met aux prises membres de la Mafia et de la CIA, Lionel servant de tranche de jambon dans ce sandwich antillais appétissant.



Roman parodique oscillant entre le policier et l'espionnage, Saintes pour sang est franchement humoristique au début. Par la suite il prend un cours plus classique mais pour autant il reste d'une lecture très abordable et agréable.

Richard Caron était, outre un romancier et un scénariste, un journaliste dont les opinions royalistes affichées le mirent quelque peu au ban du cénacle des romanciers de littérature policière.

Dans ce roman, outre l'humour parfois potache, il pratique également l'ironie. Rappelons que le ministre de l'Intérieur de l'époque était le descendant d'un célèbre maréchal d'Empire qui a donné son nom à l'un des boulevards extérieurs de la ceinture dite Boulevards des Maréchaux à Paris, Poniatowski.

Et, dès cette époque, et même avant, des problèmes de Grandes Oreilles perturbaient le Français moyen, et donc les services de l'Etat :

Je puis vous jurer qu'il n'y a plus, depuis l'élection de Giscard, aucun travail de surveillance sonore au détriment de citoyens français, quels qu'ils soient… Nous n'agissons dans ce domaine uniquement sur les étrangers suspects.

Ouf, nous voilà rassurés. Mais depuis ?

Lionel Sehauvagnac, qui est, rappelons-le, attaché de cabinet au ministère de l'Intérieur en charge des relations avec la presse, doit rédiger un mémoire intitulé Pour donner une meilleure image de marque de la police en France, rapport qui je le précise n'a jamais dû être rédigé, et s'il le fut, mis rapidement dans une case Oubliettes, se pose certaines questions dont les réponses ne seront jamais fournies. Mais il a au moins le courage de se les poser.

D'aucuns prétendent que nous autres technocrates sommes coupés de la base. Je me suis demandé s'il n'y avait pas un peu de vrai là-dessous. D'autant que j'écrivais clairement dans mon rapport que le visage de notre police, recevait, d'une façon générale, un accueil favorable auprès du public français. C'est du moins ce que tous les directeurs de service et les commissaires divisionnaires m'avaient affirmé. Souffrant moi-même et présentement d'une réalité un peu rude – bien que sûrement non généralisée – il est évident que certains termes de mon rapport s'en trouveraient modifiés et qu'à l'avenir je me promettais de rencontrer des fonctionnaires de police de moindre niveau.

Eh oui, il y a les faits et la réalité. Ne pas croire ce que les ministres énoncent doctement et ce qu'il se passe en réalité.

Mais nous parlons d'une autre époque, et de nos jours, il ne faudrait pas comparer ce qui était de mise sous Giscard, ou un autre, et ce qu'il se déroule de nos jours. Aucun policier ne se permettrait une bavure au risque de voir l'image de marque de sa profession en pâtir.
Lien : http://leslecturesdelonclepa..
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