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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Summer of hard (épisodes 1 à 8) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 14, écrits par Joe Casey et majoritairement dessinés par Piotr Kowalsky, à l'exception de la moitié de l'épisode 7 dessiné par Morgan Jeske, et de la moitié de l'épisode 14 dessiné par Chris Peterson.

Le tome commence avec un trombinoscope des 11 principaux personnages, puis par un rappel des faits en 9 phrases concises et pertinentes. Alors que le tome commence, Larry (Lorraine Baines, la PDG des entreprises Cooke) est en train de diner avec Tucker, un membre du cabinet du maire de Saturn City. Keenan est en train de s'envoyer en l'air avec sa copine dont il aime bien lui lécher le téton. Il se remémore une intervention contre Prank Addict, en tant qu'aide d'Armored Saint, sous la direction de Quinn. Il décide de lui communiquer l'endroit où habitent les Alpha Brothers (Cha Cha et Dolph).

Simon Cooke fait de son mieux pour remplir ses missions de patron de multinationale. En particulier, il accepte de négocier avec des japonais qui sont reçu par Elliot K. Barnes, l'un de ses responsables de service. Juliette Jemas (grand reporter) décide de fouiner dans la vie privée de Simon Cooke. Old Man poursuit son entreprise de reprise en main des activités illégales à Saturn City. Keenan Wade passe l'épreuve d'intronisation dans le gang de rues des Breaks. Sheila est tombée enceinte, et reçoit la visite de son employeur Annabelle Lagravenese. Warren Azoff continue d'apprécier l'attention que lui portent ces dames du troisième âge.

Généralement, les histoires vendues pour leur contenu sexuel explicite ont tendance soit à voir le quota de sexe diminuer rapidement, soit à se transformer en récit pornographique où l'intrigue devient secondaire. Ici, Joe Casey et Piotr Kowalski ne changent rien au dosage du premier tome. Les actes sexuels restent présents, de la position du missionnaire, à l'amour physique intergénérationnel (entre adultes consentants), en passant par de nombreuses fellations et des sévices sexuels en guise de torture, dépourvus de voyeurisme. L'intrigue ne faiblit pas en intensité ; elle devient même de plus en plus dense.

Dans le premier tome, Joe Casey avait fait le choix d'une narration posée pour pouvoir développer à sa guise les personnages, leurs motivations et leurs tâtonnements, ainsi que les rapports liant les différents individus entre eux. Cet investissement porte tous ses fruits dans ce deuxième tome. Casey avait posé les fondations de sa structure narrative ; il la reprend là où il l'avait laissé en commençant à monter les étages.

Du point de vue de l'intrigue, le lecteur suit avec patience la reprise en main de la pègre par Old Man, ainsi que les décisions des Frères Alpha, mais en s'intéressant plus à leurs frasques sexuelles, qu'à leur stratégie encore à l'état d'esquisse. Il suit avec plus d'intérêt l'implication toujours croissante de Simon Cooke dans ses affaires, et les décisions complexes qu'il doit prendre, dépassant le simplisme moral du bien / pas bien. Il regarde Keenan Wade s'infiltrer parmi un gang. Il s'interroge toujours sur le rôle et le comportement de Prank Addict.

Du point de vue des personnages, Simon Cooke est moins ingénu que dans le premier tome, plus crédible, plus proactif, comme une rémanence du superhéros qu'il fut. Keenan Wade compromet ses idéaux à sa manière, mais tout autant que Simon Cooke. Annabelle Lagravenese se révèle un personnage incroyablement attachant et décidée, en particulier en proposant son aide à Sheila. Contre toute attente, Warren Azoff dépasse le rôle de simple élément comique (et salace, par ses relations épicées avec des dames âgées portées sur la bagatelle), pour devenir une métaphore sur la différence assumée. Juliette Jemas promet d'être une reporter pugnace, sans devenir pour autant une caricature.

Du point de vue thématique, Casey oppose Cooke et Wade dans leur manière de faire. L'un souhaite changer la société en tant que chef de multinationale, mais il n'a d'autre possibilité que de faire affaire avec d'autres multinationales aux méthodes réalistes, c'est-à-dire moralement répréhensibles. Wade n'a d'autre choix que d'intégrer une bande bien organisée, c'est-à-dire de compromettre ses idéaux. le scénariste dépeint leur précédente relation (superhéros & assistant adolescent) comme relevant de la subordination. Il n'essaye pas de faire croire à une relation entre égaux, mais bien à une relation de chef à assistant. Cette approche inscrit cette relation dans un mode adulte, dépourvu de niaiserie ou de simplisme.

Il y a donc cette notion que tout engagement pour améliorer les choses s'accompagne forcément d'une forme de compromission parce que l'individu est contaminé par ce qu'il combat et par les méthodes qu'il emploie. Il subsiste également le thème des relations sexuelles comme rapport de force et comme indicateur de la maturité de l'individu. La force et l'intelligence de la narration de Casey font passer cette composante, de l'état de provocation & titillation de la libido du lecteur, à un état d'indicateur de la nature de la relation des personnages à leur entourage. Avec ces épisodes, le lecteur prend conscience que les gâteries que se font les frères Alpha (Cha Cha et Dolph) ne sont pas juste là pour choquer sur le thème de l'homosexualité incestueuse. Elles sont réalisées par des individus se portant des sentiments forts l'un pour l'autre. de la même manière la soumission de Warren Azoff aux désidératas de ces dames d'un âge respectable dépasse le comique de situation pour devenir une réflexion douce amère sur la recherche du plaisir entre adultes consentants, sous une forme réprouvée par les bonnes moeurs. Même les relations sexuelles de Keenan Wade (de type monogame et plus normales) donnent à réfléchir du fait de l'état d'esprit des 2 conjoints.

Piotr Kowalski réalise un travail toujours aussi pragmatique et anodin en surface, et toujours aussi sophistiqué en profondeur. Page après page, le lecteur découvre des cases où les personnages ont l'air naturel, où chaque individu dispose d'une morphologie propre, où les décors sont précis sans être m'as-tu-vu, où les actions coulent d'évidence, et les scènes de sexe sont réalistes (pas de morphologie de hardeuses ou de hardeurs). Comme dans le tome précédent, Kowalski évite les enfilades de cases ne contenant que des têtes en train de parler, pour plutôt élargir le cadre, montrer ce qui se passe autour, montrer les gestes que font les interlocuteurs.

Kowalski évite le sensationnalisme pour se concentrer sur les aspects pragmatiques des situations. Ce n'est pas synonyme d'ennui, mais de plausibilité. Si le lecteur finit par accepter la relation incestueuse entre Cha Cha et Dolph, c'est parce qu'ils sont dessinés comme des individus normaux, et qu'il est possible de noter quelques détails prouvant l'affection réelle qu'ils se portent. Si Warren Azoff dépasse le comique de situation, c'est parce que son comportement montre qu'il accepte et apprécie ces expériences sexuelles inhabituelles. C'est bien cet aspect anodin des dessins qui permet au lecteur de croire dans l'existence de ces personnages et dans leurs actions.

Morgan Jeske se charge de dessiner une séquence située dans le passé au cours de laquelle Armored Saint et Keenan Wade interceptent Prank Addict. Jeske colle à l'apparence de surface des dessins de Kowalski, en empruntant plus de codes visuels aux récits de superhéros (adaptés à la nature de la séquence). le résultat est pleinement satisfaisant, sans solution de continuité visuelle. Chris Peterson dessine une séquence dans le passé, consacrée aux Frères Alpha, avec un encrage un peu moins râpeux que celui de Kowalski, pour un résultat également convaincant.

Ce deuxième tome tire le meilleur parti possible du travail d'investissement effectué dans le premier tome. L'intrigue se densifie, l'action est un peu plus présente. Les personnages ne perdent rien en densité et en complexité, et ils deviennent de plus en plus proches pour le lecteur, avec une empathie fonctionnant à plein. Joe Casey et Piotr Kowalski ne diminuent en rien la composante sexuelle du récit (promise par le titre), avec des dessins très explicites (sauf pour les pénétrations), sans pour autant tomber dans la pornographie car ces actes sexuels sont toujours en relation soit avec l'intrigue, soit avec la personnalité des protagonistes.
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