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Critique de AliceNeverland


Difficile de savoir comment appréhender ce livre. J'étais à la fois intriguée de le découvrir mais, en même temps, j'en redoutais quelque peu sa lecture. J'avais tout de même envie de savoir de quelle façon l'auteur allait réussir à aborder une thématique aussi brûlante qu'inadaptée (pour moi) à l'univers young adult tant sa réalité parait ne pas être à sa place dans ce genre.

C'était vraiment difficile de se replonger dans ces événements que l'on aimerait bien oublier et qui, pourtant, nous marqueront à tout jamais. Il faut dire que ma génération fait également partie de celle qui a vue en direct les attentats du 11 septembre à la télévision. Autant dire que je ne pensais pas lire un jour un livre dont l'histoire s'imprègnerait de cet univers déstabilisant, violent et horrible qu'est celui des attentats.

Que nous apprend l'histoire ? […] Parfois l'histoire nous apprend rien et tout est à refaire.

D'ailleurs, j'ai passé une bonne partie du roman sans savoir vraiment si j'aimais ou non ce que je lisais. Car c'est assez spécial. L'auteur nous remet devant ces évènements qui nous ont irrémédiablement marqués, peu importe ce que l'on faisait. Mais j'avoue que c'était étrange de se retrouver dans la peau de cet adolescent qui, alors qu'il devrait penser à sa nouvelle petite amie, se retrouve plongé dans un environnement qui fait froid dans le dos.

Arnaud Cathrine réussit dans ce livre à faire de ces évènements de janvier 2015 un décor marquant mais pas voyeuriste. Et c'est ce juste équilibre qui permet à A la place du coeur de ne pas être un livre profiteur. L'auteur n'a pas cherché à exploiter cette thématique pour construire une histoire. Il explique, au contraire, comment un contexte de peur de l'autre va briser ces vies simples et banales qui vont s'en retrouver changées à jamais. Ainsi, tout le cadre politico-social qui s'insère dans le livre parait extrêmement naturel. C'est dérangeant, certes, mais cela nous pousse inexorablement à la réflexion.

J'ai donc assez accroché avec la façon dont Arnaud Cathrine représente son histoire sans profiter du contexte. Il n'est pas là pour faire pleurer dans les chaumières et, au contraire, cela peut être vraiment intéressant à faire lire à cette nouvelle génération qui découvre l'horreur des attentats en direct avec ceux de Charlie Hebdo.

[…] il est un peu plus de dix-huit heures et il fait déjà nuit noire. C'est parfaitement à l'image de cette semaine improbable : nuit noire.

Pour autant, j'ai tout de même eu quelques difficultés avec le personnage de Caumes. Surtout au départ, je n'arrivais pas du tout à m'attacher à lui ou à sa bande de potes. Mais, petit à petit, j'ai pris connaissance de ses réflexions et interrogations, et j'ai été touchée par cet adolescent qui découvre le monde horrible dans lequel il vit. Il comprend immédiatement que quelque chose de grave s'est produit ; quelque chose qui va changer à tout jamais la vision qu'il avait du monde et de la France. Une analyse vraiment pertinente de la part d'un gamin de dix-sept ans tout juste.

C'est, du coup, très intéressant d'observer son évolution au cours de cette semaine. Ces sept petits jours qui vont faire voler en éclat son monde tranquille de lycéen et qui vont briser sa vie à tout jamais. Il y a ce lundi soir normal où Caumes fête tout simplement ses dix-sept ans avec ses amis. Un instant frivole dans une vie toute aussi frivole et dénuée d'intéressement. En dehors du bac, l'avenir est flou et sans aucun intérêt. Bref, une vraie vie d'adolescent. Et puis, tout va basculer ce mardi. Difficile de croire qu'un tel évènement se produisant à Paris va réussir à impacter ce village de Normandie. Et pourtant…

On n'avait pas l'âge, putain.
L'âge de quoi ?
J'ai dix-sept ans, la vie devant moi et de la mort partout. […]
C'est quoi l'autre choix ?

Caumes s'interroge. Il cherche vraiment à comprendre l'incompréhensible, à mettre des mots sur l'innommable. Mais, malheureusement, il se heurte à ces adultes qui, le plus souvent, ne prennent même pas la peine de discuter avec lui. Et puis il y a cet après, ce vendredi qui nous montre à quel point Caumes commence à ressentir ce vide en lui et doit apprendre à vivre avec toute cette menace, cette guerre autrefois si lointaine qui touche désormais Paris et notre beau pays.

Enfin, la fin apporte tout on sens à l'utilité de cette histoire. le cri du coeur de Caumes est sincère, bouleversant et émouvant. Malgré mes dix années de plus, je me suis retrouvée dans chacune de ses interrogations. Mais, surtout, j'avais mal pour lui, pour cette jeunesse, véritable dommage collatéral d'un climat délétère.

Pour conclure : c'est un beau roman qui met bien en exergue les difficultés de compréhension de cette génération qui se retrouve plongée dans un monde qu'elle ne comprend pas. Surtout, cela nous met face à tout ce changement dans notre société auquel nous avons droit depuis cet évènement. Janvier 2015, Novembre 2015, Juillet 2016… Ces dates resteront définitivement gravées en nous. A travers son histoire d'une justesse incroyable et qui n'en fait pas trop,, Arnaud Cathrine nous montre que cela a complètement modifié notre regard sur l'avenir, mais que cela a encore plus marqué la nouvelle génération qui ne sait plus à quoi s'attendre et doit commencer à vivre avec cette peur du lendemain. Mais il nous donne aussi une incroyable pulsion de vie qui prend ainsi naissance malgré le tragique de son contexte…

J'ai décidé de ne plus penser ni à Esther, ni aux attentats, ni à Ballard, ni à rien du tout, juste : m'absenter de la surface de la terre.

Lien : https://aliceneverland.wordp..
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