AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dionysos89


Malleus Maleficarum, tel est le nom d'un célèbre traité de chasse aux sorcières « best-seller » médiéval rédigé par Jacob Spenger et Heinrich Kramer à l'intention des inquisiteurs catholiques. Toutefois, c'est également le surnom donné au nouvel antagoniste du Bâtard de Kosigan : Juan Ginès de Las Casas, cardinal du Saint-Office de l'Inquisition, dit « le Marteau des Sorcières ».

C'est en se rendant à Cologne au sein du Saint-Empire romain germanique en mai 1431 que la Compagnie des loups, dirigée par Pierre Cordwain de Kosigan, entrevoit une triple mission rapportant autant sur le plan financier que personnel lui être proposée. Déjà, suite aux événements de le Fou prend le Roi, le Bâtard recherche l'origine de ses propres pouvoirs magiques, et notamment les traces du passage de sa mère en terre germanique. Ensuite, d'étranges raids sur des convois marchands fragilisent le duc de Cologne qui embauche la compagnie de mercenaires et semblent liés à une vengeance personnelle. Enfin, et surtout, autour de la ville, est organisé le Mundkreises, un cénacle de sorcières poursuivies très activement par le Grand Inquisiteur qui s'est installé dans les parages au point de gérer beaucoup de monde et d'en inquiéter un encore plus grand nombre.
Dès le départ, même si ce roman est un troisième tome, Fabien Cerutti rappelle bon nombre d'éléments généraux de compréhension qui permettent de se plonger dans celui-ci les yeux fermés sans peur de s'y perdre (même si, bien sûr, il est plus agréable de connaître les autres aventures du héros). Pour cela, l'auteur utilise quelques tournures scénaristiques qui ont déjà fait mouche dans les deux autres tomes parus : en parallèle des aventures du Bâtard au XVe siècle, se déroulent les rocambolesques enquêtes d'un de ses descendants au XIXe siècle (1899-1900 surtout) ; à l'aide de ses amis et confrères historiens ou enquêteurs (on recroise le fameux Ernest Lavisse par exemple), Kergaël de Kosigan cherche la vérité cachée sur sa famille et sur les créatures prétendument fantastiques que furent les elfes, les mages, les orcs et autres nains ou dragons que son ancêtre cite pourtant comme véridiques dans les mémoires qu'il retrouve au fur et à mesure ! Ses recherches se font à partir des archives qu'il peut récolter, et forcément il y a des « manques à combler »… Cela permet en tout cas deux choses primordiales : très vite replacer toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension par le lecteur et également s'amuser à tisser, à l'aide d'un récit épistolaire encore plus étoffé dans ce tome-ci, une histoire secrète au sein de l'Histoire que nous connaissons actuellement.
Évidemment, le lecteur zélé de Fabien Cerutti a plaisir à retrouver aussi les personnages de la Compagnie de Kosigan, notamment l'arbalétrier byzantin Qu'un-Coup et la Changesang italienne Dùn. D'ailleurs, lien est fait avec la nouvelle parue dans l'anthologie des Imaginales 2017, à vous de lire, il y a du conséquent à apprendre… Dans un style agréable, l'auteur place un nombre incroyable de petits faits historiques du quotidien (comment manger, se vêtir, les occupations de nobliaux, etc.) sans jamais en mettre des tartines ni créer des scènes pour les caser. Un peu de subtilité, ça fait du bien. À propos, l'auteur n'est pas historien par hasard et se fait plaisir (mais c'est un travail monstre) en utilisant quantité de personnages historiques à bon escient, et ça en fait des faits à vérifier ou bien à tordre de manière à créer de l'uchronie de fantasy. D'ailleurs, ce tome permet une déconstruction de l'histoire de la religion chrétienne sur le temps très long, par l'intermédiaire des créatures dites démoniaques qu'elle a exterminé au fur et à mesure. Certes, cela crée davantage de narrations à propos des créatures magiques là où le tome précédent se concentrait surtout sur des éléments uchroniques qui nous sont bien sûr inconnus dans notre connaissance historique du moment. Bref, ce troisième tome recèle encore de sacrés moments d'anthologie dont quelques passages de tortures encore bien crades, l'épisode de la « couille du troll », de la littérature érotique médiévale (Mesdames, qu'il est doux de faire chanter votre lune…), et bien sûr l'amour courtois façon Kosigan à suivre avec toujours autant de plaisir.

Le Marteau des sorcières est encore un tome parfaitement maîtrisé, avec une intrigue suivant un rythme enlevé, une fantasy historique très convaincante et des petites trouvailles à savourer. Vivement la suite, car le suspense de fin est insoutenable, et c'est honteux de nous laisser ainsi !

Commenter  J’apprécie          420



Ont apprécié cette critique (33)voir plus




{* *}