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Critique de boudicca


Le bâtard est de retour, et il est plus en forme que jamais ! Nous voici quelques mois seulement après les événements évoqués dans le deuxième opus et on retrouve Pierre Corwain de Kosigan menant sa troupe de mercenaires sur les terres des Hohenstaugfen, puissante famille du Saint-Empire romain germanique. Pourquoi là-bas ? D'abord parce qu'il s'agit de sa meilleure chance d'en apprendre davantage sur ses origines, sa mère ayant entretenue avant sa mort d'étroites relations avec un groupe de sorcières installées dans les environs. Ensuite, parce que la présence sur place de l'Inquisition menée par le redoutable cardinal De Las Casas suscite bien des tracas pour beaucoup de monde. Des tracas que notre ami mercenaire se propose bien évidemment de résoudre... en échange d'une coquette somme. Parallèlement au récit de Pierre de Kosigan, on continue également de suivre celui de son descendant du XIXe siècle, Kergaël, qui poursuit ses investigations concernant les incroyables révélations contenues dans le témoignage de son ancêtre. Comme dans les deux précédents volumes, l'intrigue se déroule dans un laps de temps très limité, ce que n'empêche pas le récit d'être particulièrement dense et de mettre en scène une ribambelle de personnages. L'avantage, c'est que l'on dévore le roman à une vitesse folle avec un bel enthousiasme. L'inconvénient, c'est qu'une fois cette lecture éclair terminée, on ne peut s'empêcher d'être frustré de devoir déjà quitter l'univers du bâtard sans avoir eu le mot de la fin. Car contrairement aux deux premiers tomes qui constituaient deux blocs bien distincts, on a clairement affaire avec ce « Marteau des sorcières » à une première partie qui ne trouvera sa résolution que dans le quatrième volume. Cette impression de rester sur notre faim est d'ailleurs renforcée par l'alternance parfois un peu trop rapide des récits du mercenaire et de son descendant, le lecteur ayant à peine le temps de se plonger dans l'histoire du bâtard qu'on lui demande déjà d'en sortir.

Ce léger bémol mis à part, il faut bien admettre que Fabien Cerutti nous offre une fois encore un récit palpitant et remarquablement construit car permettant d'aborder son univers selon deux angles différents. Avec le récit du bâtard, le lecteur se trouve pleinement immergé dans un Moyen Age soigneusement reconstitué, si ce n'est que la magie y est une réalité et que des créatures que nous jugeons aujourd'hui légendaires y évoluent au grand jour. L'occasion pour l'auteur de rajouter une touche de piment aux aventures vécues par le mercenaire et de donner vie à des scènes tour à tour épiques ou complètement burlesques faisant intervenir des créatures issues de diverses mythologies (la rencontre de Kosigan avec un troll devrait ici en marquer plus d'un !). Contrairement au récit de son aïeul, celui de Kergaël nous permet quant à lui de prendre un peu de recul et de nous interroger sur la réalité de ce Moyen-Age fantasmé. Et s'il ne s'agissait pas, comme on pouvait le penser au début, d'une jolie fiction inventé par un auteur fantasque mais de la preuve que tout un pan de notre histoire aurait été réécris ? Au fil des investigations de l'universitaire, le lecteur est ainsi amené à se plonger dans ses souvenirs des livres d'histoire, revivant sous la plume de l'auteur les événements déterminants de la montée en puissance de l'église en Europe durant toute la période médiévale. Absorption progressive et systématique par le christianisme d'éléments propres à des cultes rivaux (date des fêtes religieuses, lieux de culte...), tentative de moralisation de la vie des fidèles, tournants décisifs instaurés sous le règne de différents papes, naissance de l'Inquisition... : l'auteur détaille le tout avec un enthousiasme évident et contagieux. Certains trouveront sans doute à redire à ces passages qui sonnent peut-être effectivement un peu trop « cours d'histoire », mais pour les lecteurs passionnés (dont je suis, vous l'aurez deviné), il s'agit d'un véritable régal.

Du côté de la narration, Fabien Cerutti opte comme dans les tomes précédents pour des modes qui varient en fonction des époques : des échange épistolaires ou téléphoniques entre Kergaël et ses amis et anciens professeurs pour le XIXe siècle ; un témoignage à la première personne et des extraits de rapports émanant de ses principaux lieutenants ou alliés dans le cas du bâtard de Kosigan. L'alternance est bien dosée et donne à l'ensemble davantage de dynamisme. La plume de l'auteur est quant à elle toujours aussi agréable, directe et pleine d'humour, notamment lors des passages donnant la parole au bâtard qui mêle habilement langage assez cru lorsqu'il s'adresse à lui-même ou à ses compères, et tournures plus élégantes souvent teintées d'ironie dès lors qu'il échange avec un interlocuteur extérieur. L'auteur ne se privent pas non plus de parsemer son récit de termes propres à la période médiévale, suffisamment pour nous mettre dans l'ambiance mais pas assez pour que le lecteur ait l'impression de sans arrêt devoir se référer aux notes de bas-de-page. Reste à aborder la question des personnages qui, là encore, se montrent parfaitement à la hauteur. le bâtard de Kosigan est toujours aussi charismatique et sa manie d'avoir (presque) toujours une longueur d'avance sur ses adversaires ou ses employeurs (et par conséquent sur le lecteur) lui donne un petit côté irrésistible qui est évidemment très agréable. La personnalité de son descendant est en revanche moins marquée et s'efface souvent au profit des questionnements et révélations que suscitent ses investigations. Les personnages secondaires sont pour leur part très bien campés, à commencer par les mercenaires au service de Kosigan que l'on aperçoit pourtant seulement le temps d'une scène ou deux mais auxquels on s'attache rapidement. Il en va de même des personnages féminins au charme desquels notre héros à souvent bien du mal à résister et qui se révèlent la plupart du temps beaucoup moins innocents que ce qu'on pouvait penser.

Avec « Le marteau des sorcières », Fabien Cerutti nous livre un nouveau roman à la hauteur des précédents, bourré d'humour et de suspens, porté par un personnage charismatique et retors dont on ne peut que saluer l'intelligence et le culot. Inutile de vous dire que le quatrième volume est attendu avec une grande impatience !
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