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Critique de Osmanthe


Les éditions Zulma nous proposent ici, au-delà de la fameuse jolie couverture, deux superbes récits de Eileen Chang (Zhang Ailing en chinois). En premier lieu, le célèbre "Love in a fallen city", sous-titré "un amour dévastateur", qui a plutôt la taille d'un court roman, et ensuite "Ah Hsiao est triste en automne", sous-titré "L'étuve aux fleurs d'osmanthe", qu'on pourrait plutôt qualifier de nouvelle.

Dans "Love in a fallen city", l'héroïne Lio-su est la 6ème soeur d'une noble famille de huit, les Pai. Elle a divorcé il y a déjà plusieurs années, et fait pour cela l'objet de railleries de sa famille. Une vieille amie de la famille, Madame Hsu, est appelée à la rescousse pour mener la double affaire de marier la 7ème soeur Pao-lo, puis de remarier Lio-su. Mais le prétendant auquel elle pense pour Pao-lo, Fan Liu Yuan, un célibataire aisé et séducteur, semble avoir jeté son dévolu sur Lio-su. Madame Hsu profite de la dégradation du climat familial pour inviter Lio-su à la suivre à Hongkong, où...Liu Yuan l'y attend. Dès lors, le lecteur va être témoin de la relation naissante entre eux, leurs rapprochements et éloignements, à travers leurs dialogues, alors qu'à la fin 1941, la guerre éclate...

"Ah Hsiao est triste en automne" est sans doute un texte moins connu, moins ambitieux, mais très attachant. Il nous montre quelques scènes de la vie d'amah (domestique) de Ah Hsiao, au service d'un américain installé dans une des concessions de Shanghaï. Logée sur place, elle est témoin, et nous avec, de la vie de séducteur de son patron Mr Garter, qui jongle entre plusieurs conquêtes, de la vie d'une autre amah, Hsiu-ts'in, qui va se marier en traînant des pieds et lui paraît bien exigeante...Ah Hsiao regrette vaguement d'avoir un mari qui ne lui rapporte pas grand-chose financièrement, mais il est là, discret, pour contribuer à éduquer leur jeune enfant. Une belle photographie, en immersion de la condition de ces amah.

Avec ces deux textes, Eileen Chang m'a conquis. Si ces histoires sont peu mouvementées, elles sont d'une richesse assez extraordinaire. Les figures féminines sont très puissantes, nous avons là des femmes de caractère, qui luttent pour leur indépendance, malgré les difficultés de la vie. Les dialogues, surtout dans "Love in a fallen city" sont absolument magnifiques d'intelligence, d'élégance, de subtilité malicieuse...
Chacune des phrases échangées au sein de ce couple est intense, et traduit merveilleusement le jeu amoureux qu'ils alimentent avec plaisir, en indépendants et égoïstes, dixit l'auteur, qui tout en portant ses personnages, n'oublie pas d'en brosser les quelques travers, sans indulgence pour ses compatriotes.

L'auteur nous offre là de très beaux portraits de femmes chinoises, emblématiques de leur temps, dans une société shanghaïenne partagée entre le respect des traditions chinoises et la modernité occidentale des concessions. Et c'est aussi extrêmement instructif sur les moeurs des familles chinoises des années 1930-40.

C'est aussi une superbe découverte pour moi que cette femme admirable que fut Eileen Chang, exilée aux Etats-Unis mais tellement chinoise, indépendante, courageuse, provocatrice sans doute, et surtout très en avance sur son temps. Ce qui est d'ailleurs frappant dans son écriture est sa remarquable modernité, très actuelle ! Mais la lecture est une délicieuse dégustation, tant le texte est ciselé, les adjectifs précis, la langue belle, sans doute aidée par une traduction qui semble très réussie.
Superbe !


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