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Critique de Elizaline


Le Petit Köchel de Normand Chaurette est une pièce de théâtre qu'il faut, paraît-il, avoir vue sur scène pour pouvoir véritablement comprendre le sens du propos, délivré dans le jeu. J'avertis donc avant toute chose que ce n'est pas mon cas : je ne peux me baser que sur la lecture pour livrer mon ressenti.

Deux paires de soeurs, issues du monde musical, sont au coeur d'un drame : Cécile et Lili Motherwell, interprètes, Irène et Anne Brunswick, musicologues parlent d'un fils, leur fils, qui se terre dans les soubassements de la maison au sein de laquelle toute l'histoire se joue. En cette soirée de dernier samedi d'octobre, où il faut reculer les aiguilles de l'horloge d'une heure, où des enfants déguisés actionnent la sonnette sonore, les quatre soeurs se succèdent à la cave dans laquelle leur fils, ayant décidé de se pendre, énonce ses dernières volontés. Sur ce fond macabre, rien n'est tel qu'il le semble. Qui sont vraiment ces soeurs, que vivent-elles, que savent-elles ? Rien n'est donné d'avance, et le suspense se maintient jusqu'à la fin.

Cette pièce est une oeuvre remarquable à de multiples égards. le caractère remarquable principal se trouve, à mon sens, dans la trame narrative : de sa temporalité spécifique émane un contenu bien particulier. En effet, c'est la répétition, réalité concrète des soeurs pianistes, qui donne tout son sens à cette pièce de théâtre : « c'est une fois qu'on obtient le résultat qu'il faut le répéter, le répéter, le répéter » martèle Irène. Mais les soeurs ont tant répété que la vie a fini par leur échapper, elles ont tant répété cette répétition est devenue la vie même de leur fils. Comme pour ses mères,

« CECILE. Il y a dans cette répétition conforme un état qui le rassure. Il ne supporte pas l'aboutissement. Il n'est tranquille que dans le recommencement perpétuel. »

La répétition, pour la narration, est un temps interrompu en ceci qu'il s'agit d'un temps qui recommence infiniment. Il y a le contenu narratif et, en amont, la trame narrative : lorsque la permanence est trouvée dans le recommencement perpétuel, le théâtre, en tant que pratique performative, en est bien évidemment profondément affecté. Cette cyclicité provoque alors une mise en abîme qui, au niveau du contenu narratif, fait se questionner le lecteur – mais aussi les protagonistes ! – sur leur identité (qui sont vraiment ces soeurs, que vivent-elles, que savent-elles ?). le cycle se répète dans les moindres détails de l'histoire, jusque dans la chaire, accouchement et cannibalisme comme début et fin perpétuels d'une histoire.

Il faut s'arrêter avant de trop en dévoiler car cette pièce aiguisée et captivante mérite d'être, sinon vue, du moins lue!
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