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Critique de Bigmammy


L’enfance d’Edouard Manet (1832 – 1883) se termine le jour où il acquiert la certitude qu’il refuse absolument de ressembler à son père magistrat.
Enfant rebelle à toute forme d’enseignement, adoré par sa mère, il est élevé toutefois dans le carcan des convenances bourgeoises que lui confère l’aisance matérielle fournie par des hectares de terres et des fermages à Gennevilliers. Edouard est mal noté au collège, mais il sait dessiner … Il rate Navale, est envoyé de longs mois faire le matelot à Rio, y fait l’apprentissage des plaisirs … refuse d’entrer aux Beaux-Arts mais il s’inscrit à l’atelier de Thomas Couture et fréquente assidûment le Louvre.
Toute sa vie, il cultivera une élégance confinant au dandysme, le respect extérieur des convenances bourgeoises et une irrépressible addiction aux jolies femmes … dans le plus grand secret. Toute sa vie, ce travailleur acharné refusera de dire à Léon, l’enfant qu’il a eu hors mariage, qu’il n’est pas son filleul mais son fils, même après qu’il en ait épousé la mère. Ce n’est jamais le moment, c’est toujours trop tard … Toute sa vie, il refusera aussi d’exposer avec ceux qu’à partir de 1874 Louis Leroy du Charivari affuble du nom d’ « Impressionnistes », alors même que tous le reconnaissent pour leur chef de file. Tout ça pour se fracasser, année après année, au refus des caciques du Salon qui trouvent sa peinture scandaleuse.
Il est vrai que la présentation du « Déjeuner sur l’herbe » puis de l’ « Olympia » a de quoi choquer les bonnes gens de ce Second Empire terriblement collet-monté. Ce modèle, Victorine Meurent, qui regarde le public de son œil placide, est si nue …
D’ailleurs, tous les personnages de ses portraits regardent dans le vide … Chaque année, Manet présente des toiles au Salon, chaque année on l’y refuse. Ses noirs profonds, ses blancs frémissants, passés à grands traits … ne passent pas, encore moins le vert du « Balcon » ou le bleu d’« Argenteuil ». Manet vit dans le constant espoir d’une reconnaissance par les institutions. Et dans le déni de son plus grand amour, Berthe Morizot, elle aussi terriblement douée mais pétrie du qu’en dira-t-on. A 34 ans, elle épouse son jeune frère Eugène. Avec elle, Edouard aussi a un terrible secret …
Toile après toile, année après année, Sophie Chauveau dépeint les joies et les peines de ce beau blond toujours tiré à quatre épingles et qui sait se souvenir du nom de chaque femme lui ayant offert une cravate. Et, autour de lui, celles de ses amis fidèles, l’extraordinaire foisonnement des maîtres de la littérature, de la musique et de la peinture, les collectionneurs, les marchands, les critiques. Fantin-Latour, Delacroix, Pissarro, Carolus-Durand, James Tissot, Degas, Gauguin, Renoir, Monet, Bazille, Caillebotte, Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, Rochefort, Chabrier, Gambetta, Antonin Proust, Duret, Paul Durand-Ruel, Clémenceau et même Zola, pas le plus sympathique à vrai dire …

C’est un livre à découvrir avec, tout près, un recueil de reproductions de toutes les toiles du Maître ou une tablette qui vous les fait découvrir, tant l’œuvre est vaste et aujourd’hui dispersée dans les plus grands musées du monde. En perpétuelle révolte, généreux, obstiné, voici un portrait – on ne compte que deux autoportraits de l’artiste, faits la même année alors qu’il se sait condamné à brève échéance – autant d’une époque troublée que d’une personnalité jamais satisfaite, toujours en quête d’une perfection inaccessible.
Edouard Manet, enfin reconnu par l’establishment, mais toujours révolté dans l’âme et dans la manière de peindre, mourra dans d’atroces souffrances, à l’âge de 51 ans, laissant derrière lui une œuvre révolutionnaire et mondialement appréciée.

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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