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Critique de fuji


La femme dans tous ses états.
Un titre et deux citations en exergue, comme une gifle.
Ce sont des blocs courts et compactes pour donner de la voix.
C'est détonant dans le paysage littéraire, le style épouse le fond, cela se ressent immédiatement et dès les premières lignes une image s'impose, je devrais dire un tableau s'imprime dans mon esprit le Cri d'Edward Munch. Ce peintre disait avoir eu une hallucination visuelle et auditive. J'ai ce sentiment profond dès les premiers mots. Je ne sais pas où cette lecture me conduit mais je fonce, comme dans un mur pour dire ce qui est tu. Comme si les propos de l'auteur étaient miens.
C'est étrange mais apodictique.
Le lecteur ne lit pas, il entend des voix de femmes à des âges différents et dans des situations différentes, des états que toutes ne traversent pas mais pourraient, auraient pu…
« Tu ne veux pas dire je, tu ne veux pas dire nous. Tu veux te tenir simplement à la croisée des routes, comme la vieille enchanteresse, être celle des chemins, battue par la pluie, soufflée par les vents, frappée par l'orage, sans domicile fixe, à l'écoute de toutes les voix du monde. »
Il me semble ressentir un Je multiple et un Nous chimérique.
C'est un fleuve qui charrie ces voix, le lecteur chemine de flux en flux, il est bousculé voire meurtri, le « nous » explose, il est diffracté.
C'est un ensemble désordonné pour un tout ordonné. Des formules brèves qui interpellent. La plasticité des corps, les empreintes sur l'âme, toute situation modifiable, peut être interchangeable, dans l'ordre du monde, qui dans son extériorité aux bras de poulpe nous laisse voir, comme pour l'arbre séculaire son tronc, l'écorce comme une évidence mais ne livre pas son essence.
Rous ces cataclysmes générés, perpétrés qui font qu'elle reste seule dans sa nuit.
Un livre extraordinaire, un style véritable dans son acuité, qui bât en brèche toutes les études sur la femme, car il laisse une empreinte indélébile dans le marbre de notre chair, le tout avec un vocabulaire qui castagne.
Il y a des livres, pas si nombreux, où le lecteur lambda se demande comment il a pu surgir de l'esprit de l'auteur. Je laisse le soin aux spécialistes de décrypter celui-ci, mais j'ai le sentiment que tout l'intérêt de cette lecture est dans la multitude des ressentis qu'il suscitera.
Je ne suis pas psy mais attentive aux titres des neuf parties qui le composent, en les mettant dans un ordre qui m'est personnel, cela résume l'empreinte qu'il laisse en moi.
« Comme le voyageur assoiffé ouvre la bouche, comme les navires marchands, et lui te dominera.
Qu'elle se tienne donc en silence, car il en est déjà quelques-unes qui se sont égarées.
Mais une folle peut la renverser de ses propres mains.
Et son infamie ne sera effacée, morte quoique vivante, cependant elle sera sauvée. »
Je sors de cette lecture totalement groggy, l'auteur a mis des gants de boxe à ses mots.
Un grand livre, la littérature recèle des trésors, il en fait partie.
Ce n'est pas un livre militant qui entrerait dans les cases des mouvements actuels et c'est une performance. Ce livre dézingue l'image de la femme soumise à un imaginaire aussi puissant que violent, et fait réfléchir sur le comment cet imaginaire est véhiculé et reproduit souvent avec la complicité des femmes.
La force qui en émane est inouïe et ne se dément jamais jusqu'au point final.
©Chantal Lafon

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