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Critique de Darkcook


L'an dernier, le Vallon m'a sauvé à lui tout seul d'une période véritablement difficile. Cela fait des années que je lis, étudie, travaille sur et n'ai de cesse de promouvoir Agatha Christie, mais je ne suis pas près d'arrêter. Ses romans sont infiniment intéressants, et bien au-delà du charme anglais de son univers et de sa brillante imagination, ses personnages toujours en méditation et en contemplation, Shakespeare n'étant jamais loin de leur conversation, font entrevoir avec peu de mots remarquablement choisis, leur sagacité, sa sagacité à elle, sur l'espèce humaine. Agatha Christie, ou la seule auteure qui me rende aussi prolixe à travers les années sur son compte que Victor Hugo.

Pour ce qui est de ce roman-ci, Les Indiscrétions d'Hercule Poirot, il est assez méconnu, et j'attache toujours un intérêt particulier à ces histoires occultées par les plus cultes, où l'on trouve souvent des perles, comme Poirot joue le jeu. Les Indiscrétions en fait partie, et l'épisode TV avec David Suchet m'avait, là encore, fait forte impression par le twist final, me convainquant de lire un jour ou l'autre le roman. Les Indiscrétions est un roman macabre, sombre, un peu comme le sera plus tard le Crime d'Halloween. La guerre est passée, et les récits de Dame Agatha s'assombrissent. Ici, une aristocratie à l'agonie et ses derniers domestiques voient tristement le manoir familial passer en d'autres mains, et une jeunesse vulgaire et sans valeurs leur cède la place. Les Indiscrétions d'Hercule Poirot s'appelle en anglais After The Funeral, et c'est beaucoup plus approprié : le récit s'ouvre sur les funérailles de Richard Abernethie. Lors de la réunion notariale qui s'ensuit en présence de ce qu'il reste de la famille, la tante Cora, réputée pour être assez délurée, lâche "Mais il a bien été assassiné, non?". Elle sera retrouvée plus tard elle-même assassinée à coups de hachette! La violence de ce dernier crime est elle aussi symptômatique de l'Agatha post-1945, et les commentaires de certains personnages sur la noirceur de la deuxième moitié de siècle, la différence absolue avec l'âge d'or d'avant la guerre, vont dans ce sens. de l'Agatha bien gris, voire noir (la jeune Lizzie Borden, accusée du massacre de ses parents, et l'hôpital psychiatrique Broadmoor, sont même mentionnés, on frôle David Peace!) mais pas non plus déprimant, pas chez elle!

L'humour, au milieu de cette ambiance sinistre où l'on se partage les biens d'êtres pas vraiment regrettés, est amené par plusieurs personnages secondaires, notamment l'hypocondriaque Timothy... Cet Agatha morbide au milieu des meubles et du temps qui s'en vont vaut surtout pour l'astuce, comme dit plus haut, derrière l'intrigue. On y reconnaîtra bien le style et les leitmotiv d'Agatha mais ça marche à tous les coups! Je défie tout lecteur de trouver! Et je suis d'accord avec Souri7 : Poirot lâche ici quelques phrases totalement sibyllines, à la Rouletabille de Gaston Leroux, pour le plus grand plaisir des fans, et ce n'est pas avec des religieuses, un guéridon et des fleurs en cire que l'on risque d'être mis sur la voie! Je partage aussi l'impression d'Aline1102 : L'absence de Poirot durant la majeure partie du roman lui nuit. J'ai mis 5 étoiles, mais il n'est pas aussi réussi en ce sens que le Vallon, qui arrivait à s'en dispenser fort bien, avec moins de personnages, mais qui étaient bien plus passionnants. Ici, on s'ennuie entre la mort de Cora et l'attaque de Miss Gilchrist, et c'est bien Poirot qui nous sort d'une certaine torpeur, qui s'empare de la scène en bon Prospéro habituel, avant de tout mystifier et tout arranger comme à son aise, en relevant spectaculairement l'intérêt et le niveau! Le titre français n'a d'ailleurs de sens que parce qu'il enquête auprès de la famille au départ en se faisant passer pour quelqu'un d'autre...

À lire donc, car trop méconnu, avec un rebondissement fameux bien que typique de l'auteur, un climat assez inhabituel et notable, mais il n'atteint pas non plus les sommets d'autres Poirot injustement considérés secondaires dans son oeuvre. J'ai hâte d'en relire et je ne me lasse absolument pas malgré les années, ce qui est très rare... Seuls le grand Hugo et Agatha peuvent se vanter de m'accompagner et de me fasciner depuis si longtemps et pendant encore très longtemps j'espère.
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