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Critique de Rickola


* Cette critique concerne les deux premiers tomes *

Chobits avait été publié pour la première fois par Pika en 2002, avant de connaître une édition double en 2011. Cette réédition est donc l'occasion de remettre en avant une série importante de leur catalogue, qui fête également ses 20 ans au Japon, en modernisant notamment sa couverture afin de la rendre plus actuelle tout en s'accordant avec la charte visuelle des nouvelles éditions de Card Captor Sakura. Chaque tome est également agrémenté d'une carte à collectionner. Deux tomes sont déjà sortis, à 8,20€ chacun, et la série fera au final 8 tomes, comme l'originale. Tout ceci étant précisé, voyons maintenant de quoi parle ce seinen (car oui, CLAMP ne fait pas que du Shojo).

À une époque où la technologie s'invite désormais dans tous les foyers sous la forme de “Personal Computers”, Hideki rêve lui aussi de disposer de l'un d'entre eux. Seulement, difficile pour le jeune étudiant fauché qu'il est de s'en procurer un ! La chance lui sourit le soir où il découvre un ordinateur jeté aux ordures, arborant les traits d'une splendide jeune fille. Problème : elle ne sait dire que “chii” ! Mais loin d'être cassé, ce PC dispose en fait d'un potentiel dont Hideki n'a pas idée et que beaucoup convoitent…

Dans le monde d'anticipation dans lequel se déroule l'histoire, les PC ont des apparences humaines et sont en mesure d'accompagner et de communiquer avec les gens. Ceci semble d'ailleurs créer une forme de jalousie chez certaines personnes, notamment les femmes qui se sentent en concurrence avec ces robots. C'est notamment le cas de Yumi, une collègue du personnage principal, Hideki. Ce dernier ayant trouvé un PC abandonné dans une poubelle, qu'il baptise Chii car elle ne sait prononcer que ce mot, ne disposant pas d'OS assurant ses fonctions de base.

Ainsi, le premier élément qui saute aux yeux dans ce manga vient de la façon dont les PC sont dépeints, avec cette apparence quasi humaine qui leur donne une forme de familiarité et d'étrangeté, mais surtout, qui permet de développer un discours très intéressant. Et sur ce point, je suis d'ailleurs très étonné de constater la pertinence de ce qui est raconté alors que le manga a 20 ans. Au-delà des questionnements sur le réalisme des robots dans la vraie vie, de plus en plus poussé, ce manga semble avoir compris assez tôt le devenir numérique des sociétés. Je dois avouer que la lecture des deux premiers tomes m'a fait penser à un documentaire Netflix dont j'ai oublié le nom, sur le lien entre technologies et relations sociales. Un épisode du docu était notamment centré sur un jeune homme japonais qui refusait d'avoir de « vraie » relation de couple, et en vivait une virtuelle avec un logiciel sur sa 3DS, ce qui le comblait totalement.

Mais au-delà de ce cas vraiment spécifique (mais pas forcément si rare dans le pays), la question des relations humaines et de la solitude semble être la corollaire de celle de l'importance des PC dans la société. En effet, en seulement deux tomes on comprend que la plupart des personnages principaux souffrent d'une grande solitude, que ce soit Hideki qui n'a jamais connu de femme, Minoru Kokubunji, dramatiquement seul bien qu'entouré de PC, ou encore mademoiselle Himizu, mariée mais tellement seule qu'elle sort avec ses élèves… Chacun semble porter le poids d'une grande solitude, pour des raisons différentes. Et même sans vraiment bien connaître la société japonaise, la plupart des fans de mangas doivent quand même avoir conscience que depuis plus de 10 ans, cette dernière connaît de gros problèmes de natalité, liés à plusieurs raisons, dont des soucis de plus en plus prononcés d'interactions sociales qui enferment beaucoup de gens dans la solitude, et pas seulement les otakus.

Ainsi, dans l'univers de Chobits, l'apparence des PC semble avoir évolué de façon naturelle pour accompagner les gens au quotidien, y compris dans la rue, afin de tromper la solitude. Et sur certains points, il est compliqué de ne pas voir en eux des smartphones à l'apparence humaine. C'est sûrement un des points qui m'a le plus marqué dans le récit : sa grande modernité qui fait qu'on pourrait tout à fait le prendre pour une sortie récente alors qu'il a déjà 20 ans.

Et en plus de cette grande richesse thématique, il y a le personnage de Chii, autour duquel un mystère assez épais se construit (et j'imagine central pour le développement de l'intrigue). Pourquoi a-t-elle été abandonnée ? Comment se fait-il qu'elle puisse apprendre si facilement sans programmation ou installation de logiciels ? Qu'est-ce que les Chobits ? Beaucoup de questions déjà posées, qui trouvent par endroit des débuts de réponses, et dont on aura le fin mot au fil du récit à n'en point douter.

Et puisque je parle de Chii, impossible de ne pas évoquer la dimension sexuelle du récit, qui passe bien entendu par les PC à l'apparence féminine (il peut aussi y en avoir à l'apparence masculine, mais on n'en a vu aucun pour le moment), mais aussi par les femmes entourant Hideki, et aussi par le comportement du jeune homme, ce dernier ayant une certaine fascination pour la pornographie (ceci est tourné de façon humoristique). Ce n'est pas un hasard si Hideki doit appuyer sur un bouton situé entre les jambes de Chii pour la mettre en route, et le PC est d'ailleurs très nettement sexualisé, jusqu'à une sequence de Peep Show où elle se dévêtis sous des regards pervers, rappelant le phénomène récent des Camgils.

Tout ceci concourt à poser un univers riche, crédible, et très pertinent dans son discours. de plus, que ce soit dans l'esthétique ou l'ambiance globale, on a le sentiment d'être dans une fable qui tranche avec les récits de SF très réalistes et crus, sans pour autant perdre en richesse thématique. Et cette édition étant classique mais impeccable, avec quelques pages couleurs en début de tomes, et surtout, une jaquette de toute beauté, elle me semble l'occasion idéale pour ce classique de trouver un nouveau public, dont je fais d'ailleurs partie. Une très belle et riche entrée en matière !
Lien : https://apprentiotaku.wordpr..
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