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Critique de 5Arabella


La pièce a été écrite par Claudel entre 1915 et 1916 à Rome, ville qui a émerveillée l'auteur et où il place l'action de sa pièce, qui clôt la trilogie de Coûfontaine. Elle sera publiée en 1919 à la NRF, et créée en 1928 à Dresde, la création française devra attendre 1946, dans une mise en scène de Jean Valcourt.

L'action se déroule entre 1869 et 1871. Les troupes de Garibaldi sont sur le point de s'emparer des états pontificaux, et bientôt va débuter la guerre entre l'Allemagne et la France, alliée de l'Italie. Louis de Coûfontaine, le fils de Sygne et de Turelure est maintenant ambassadeur, il a pu faire carrière grâce à l'argent que lui a apporté son mariage avec Sichel. Ils n'ont eu qu'un enfant, une fille aveugle, Pensée, à la beauté impressionnante. Louis ne joue pas un grand rôle dans la pièce dont il disparaît rapidement. C'est Pensée qui occupe le centre de l'action. Elle a fait la connaissance de deux frères, Orian et Orso, deux nobles romains ruinés au service du pape. Les deux frères s'éprennent de Pensée qui aime d'emblée Orian, mais ce dernier voudrait lui voir épouser son frère, car il désire se consacrer au service du Pape. Ce dernier, mal en point à cause de la situation politique, conseille à Orian de laisser Pensée à Orso et à se consacrer à sa vocation religieuse. C'est ce qu'il va essayer de faire, mais il finira par succomber à l'amour de Pensée, avant de partir avec son frère sur les champs de bataille, où il laissera la vie. Il va recommander à son frère d'épouser Pensée, enceinte, pour sauver sa réputation et assurer un avenir à l'enfant.

Nous revenons dans cette pièce aux thématiques et au lyrisme que Claudel a déployé dans une grande partie de son oeuvre et nous nous éloignons de l'ironie grinçante et de la férocité du Pain dur, la deuxième partie de la trilogie. Encore une fois, l'amour est impossible sur terre. L'amour humain de Pensée s'oppose à l'amour de Dieu, et mène au final Orian à la mort. Ce dernier se trouve déchiré entre le Pape, le service de Dieu, et Pensée, les deux faisant le maximum pour le pousser à les choisir. Pensée, malgré son handicap, qui est métaphorique avant tout, et qui devient un avantage entre ses mains, est très décidée à séduire Orian, elle est le personnage le plus actif, le plus volontaire. Elle s'oppose au Pape, même si aucune rencontre n'a lieu entre eux. C'est le père humilié, symbolisant Dieu, mais au-delà, tous les pères, toutes les autorités, toutes les limites, qui contrarient les désirs, les aspirations individuelles. L'homme qui porte les habits papaux n'est pas flatté, il y a de la mesquinerie en lui, un manque de vision, il s'accroche un peu à des privilèges temporels, même s'il pressent qu'ils signifient aussi autre chose que de simples biens matériels. Mais il est un symbole, et c'est à cela que veut être fidèle Orian, plus qu'à l'homme qui le représente. Pensée va opposer à ce symbole son désir, et aura son moment de succès, même s'il sera éphémère, puisque le bonheur n'est pas vraiment possible chez Claudel ici-bas, qu'il est un mirage.

Lyrique et passionnée, une très belle pièce qui mériterait d'être plus connue et jouée, d'autant plus qu'elle est relativement courte et relativement dépouillée dans l'action (pour Claudel), peut-être plus facile à défendre sur scène pour un public qui ne serait pas composé uniquement d'amateurs de l'auteur.
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