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Critique de ODP31


Micheline, tu peux rajouter un cinq étoiles dans ton guide !
Je ne sais pas si c'est le manque de restaurants, mais j'étoile plus qu'un astronome insomniaque en ce moment, prêt à éclipser Hubert Reeves.
Je n'ai pas eu besoin de sept ans de réflexions pour me lancer dans la lecture du dernier roman de Jonathan Coe dès sa sortie du four. Certains l'aiment chaud.
Après avoir comparé le Brexit à un gouffre aux chimères dans « le Coeur de L'Angleterre », l'auteur a retiré sa veste de témoin à charge pour nous offrir une merveille de faux biopic pas très bio du réalisateur mythique Billy Wilder.
En avanti pour un voyage nostalgique ! En 2013, Calista, une quinqua d'origine grecque qui voit ses deux enfants quitter le nid et le succès de ses musiques de films emprunter le boulevard du crépuscule, se remémore sa rencontre fortuite avec l'immense réalisateur aux Etats Unis dans les années 70. Sa candeur séduit le maître qui l'embauche comme assistante sur le tournage de son dernier grand film, « Fedora », qu'il tourne en Europe et dans une île grecque.
Ce roman est un chef d'oeuvre d'humour et d'élégance. Jonathan Coe s'est rabiboché avec la comédie et il ne cache pas son immense admiration pour ce réalisateur. L'histoire met en lumière également Diamond, scénariste légendaire et taciturne de Billy Wilder. Les dialogues sont dignes de ses films.
Deux scènes qui se déroulent dans des restaurants (et oui, mon incipit n'était pas totalement innocent) à Los Angeles et à Munich servent de pivots à l'histoire et constituent pour moi deux grands moments de littérature. le premier repas aux States offre des joutes raffinées irrésistibles sur la fin de l'âge d'or Hollywoodien et sur ces nouveaux réalisateurs barbus des années 70 dont les requins aux dents longues dévorent le cinéma de papa. En Allemagne, échaudé par un jeune homme doutant de l'ampleur de l'Holocauste, Billy Wilder se met à table et raconte ses heures à visionnées en Angleterre toutes les images insoutenables des camps de concentration à la fin de la guerre à la recherche de sa mère, disparue et déportée. Pas d'assurance sur la mort. Racontée sous la forme d'un scénario, la description de cet épisode est prodigieuse. Un grand moment de lecture.
Ce livre très documenté est aussi l'occasion de décrire des anecdotes savoureuses de tournages, l'échec de certains de ses films comme la vie privée de Sherlock Holmes, l'exigence tatillonne du réalisateur, ses amours passés et sa lucidité sur le point de bascule entre célébrité et postérité.
Le personnage de Calista peut paraître un peu fade au fil du récit. Douce comme Irma et souvent un trop naïve, pas du genre à dire au garçon qui lui plait : Embrasse-moi idiot ! Ce n'est pas la Scandaleuse de Berlin et sa robe de cocktail ne se soulèvera pas au-dessus d'une bouche bée d'aération du métro mais je pense que ce rôle un peu effacé est une volonté de l'auteur. Dans ce récit, la narratrice a comme le lecteur un rôle de spectatrice.
Ce roman est une garçonnière pleine d'esprit, de répliques cultes, délices pour mes papilles acidulées. Ni un, ni deux, ni trois, je relirai ce roman un paquet de fois. C'est Coe mique.
Il ne me reste plus qu'à revoir ou découvrir Fédora, Sabrina et la dizaine de films de Billy Wilder dont j'ai glissé les titres dans ce petit billet.


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