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Critique de gruz


Oui, on peut lire un livre estampillé « adolescent » quand on a passé le demi-siècle. Je suis de ceux qui pensent qu'il existe de belles pépites à découvrir.

J'irai même plus loin. Pour toucher le jeune public gavé d'images, de sons et de mots jusqu'à plus soif, il faut savoir prendre des risques. Oser. Briser des barrières. Celles que s'érigent certains écrivains pour adultes.

La première, c'est de prouver qu'on peut balancer un pavé de 600 pages à un tel lectorat. Belle leçon pour ceux qui visent les lecteurs matures en proposant des livres faméliques.

Mais il faut savoir allier quantité et qualité. Et Suzanne Collins l'a indéniablement fait. Avec sa première trilogie Hunger Games, lancée il y a maintenant plus de dix ans. Et avec cet inattendu « quatrième » volet qui arrive en 2020.

Et pour oser, elle ose ! On pouvait craindre un livre alimentaire, tant d'années après, c'est au contraire une formidable réussite.

Choisir comme personnage principal Coriolanus Snow, Président tyrannique de Panem, à la tête de tous les districts et du Capitole, relevait au minimum d'une gageure. Voire d'un pari fou. D'ailleurs, quand cette information a été révélée, beaucoup de fans ont hurlé, n'arrivant pas à imaginer comment on pouvait consacrer un livre entier à un despote.

Le capitole et les Hunger Games, longtemps avant. L'action de la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur se déroule en effet soixante quatre ans avant l'action des premiers livres.

Snow a dix-huit ans. Un jeune homme en pleine formation, par son éducation et la vie difficile qu'il mène dans ses premières années. Une existence qui va prendre un essor dans le cadre des dixièmes jeux de la faim. Panem et circenses, du pain et des jeux (du cirque).

Malgré les apparences, rien ni personne n'est tout blanc ou tout noir dans l'histoire, Snow le premier. Pas de manichéisme. On en vient à s'attacher d'une certaine façon à lui, à comprendre certaines de ses motivations et ressentis, et à (fortement) s'exaspérer d'autres. Amour et haine. Un personnage extraordinaire, ambivalent, qui justifie à lui-seul cette préquel.

Oser aussi à travers l'intrigue. Là aussi (je sais, j'insiste), l'écrivaine fait la « leçon » à certains de ses confrères pour adultes. Cette histoire est aussi surprenante que cruelle. Suzanne Collins n'hésite pas à aller très loin dans ce qu'elle fait vivre à ses personnages. En terme de violence physique et psychologique, d'épreuves à traverser, de risques de mort à combattre (sans toujours vaincre), d'injustice, d'imagination, ce livre est un modèle du genre.

Les Hunger Games, version antique, sans grande technologie, dans un Capitole encore exsangue au sortir de la Grande Guerre. Des jeux qui ne sont d'ailleurs qu'une partie de l'intrigue, qui n'est pas exclusivement centrée sur eux, loin de là.

600 pages qui permettent de réellement développer le récit, ainsi que les profondes interactions entre les personnages. Et de l'enrichir de vraies réflexions sur le pouvoir, le contrôle des masses, la politique, l'argent, la guerre, les sentiments, la pauvreté, l'asservissement… de quoi permettre des questionnements fertiles, de manière très ludique.

Et surtout, le livre met en lumière un autre personnage phare, la formidablement touchante Lucy Gray, bien différente de caractère que la Katniss de la première trilogie. Mais avec un gros point en commun entre elles : ce sont des jeunes femmes de caractère, entre profondes failles, belle humanité et tempérament en acier trempé. Elle est inoubliable.

L'écrivaine ne sacrifie jamais son histoire au rythme, elle sait prendre le temps quand il le faut, accélérer quand on s'y attend le moins, stupéfier par ses choix. le tout, avec une prose fluide mais qui ne sacrifie jamais la qualité à la facilité. Quand on ne prend pas les jeunes lecteurs pour des imbéciles, ils savent vous le rendre.

La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur était un pari osé. Au final, c'est une réussite totale, au point de penser que c'est sans doute le roman le plus riche de la série. Mieux encore, il apporte du sang neuf, un comble quand on y parle des prémisses des Hunger Games.

Suzanne Collins a mis du temps pour revenir vers ses lecteurs, l'attente en valait la peine.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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