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Critique de marina53


Un froid glacial de février. Des rues grises et détrempées. Des quais quasi-déserts que la nuit enveloppe. Au loin, le sifflement du RER, strident.
Marie, une jeune femme, fonce dans le couloir, dévale les escaliers et s'engouffre dans la rame avant que les portes ne se referment. Elle traverse le wagon vide et s'installe près d'une fenêtre vers laquelle sa tête se tourne. Elle ne tarde pas à s'assoupir, bercée par l'écoulement des rails. Que fuit-elle ainsi ? À quoi pense-t-elle, étrangère au monde qui l'entoure ? Alain, une fois installé sur son siège, remarque aussitôt cette jeune femme blonde. Il faut dire que son manteau rouge détonne dans ce paysage tout gris. Un rouge qui lui rappelle la Provence qu'il a quittée. Depuis quelques mois, il vit dans le gris de Paris. Aujourd'hui impatient de retrouver sa fille. Tout plongé qu'il est dans sa grille de sudokus, il ne remarque pas la jeune femme longiligne qui entre, quelques stations plus loin, et s'installe derrière lui. Cigarette retrouve la banlieue, qu'elle a toujours rêvé de quitter, et le café de ses parents. le RER poursuit sa trajectoire et c'est au tour de Chérif, tête enfouie dans sa capuche, de pénétrer dans la rame, l'air inquiet et l'oeil vissé sur son portable. Laura, quand à elle, quitte son bureau plus tôt. Comme tous les mardis. Elle prend le RER pour se rendre à la clinique. Un rendez-vous que son entourage ignore. Elle s'assoit au fond du wagon, suivie de près par Liad, un Israëlien qui a quitté son pays le matin même et qui remarque l'élégance de Laura. Franck pénètre à son tour, engoncé et étriqué dans son pull, râlant intérieurement, obligé d'emprunter le RER depuis qu'il a perdu son permis...

Ils sont sept dans cette rame de métro qui quitte, immuablement, Paris pour rejoindre la banlieue. Une banlieue presque immobile, des rues tristes et désertes, des immeubles haut perchés. Ici et là quelques voitures sous une pluie fine qui glace le coeur et les âmes. Un paysage mat et trouble dans lequel se perdent et se confondent ces sept voyageurs. Marie, Alain, Cigarette, Chérif, Laura, Liad et Franck ne se connaissent pas, ne se sont sûrement jamais croisés. Et pourtant, ils sont là, tous ensemble mais ô combien seuls. Marie qui semble fuir sa vie, Alain qui regrette son passé, Cigarette qui voudrait construire son futur et Chérif qui redoute le sien, Liad qui croit en un avenir meilleur et enfin Franck, étriqué dans son présent. Au fil des stations, du temps qui passe, imperturbable, le profil de chacun se dessine. Des regrets, des désillusions, des erreurs, des rancoeurs, des frustrations ou encore des inquiétudes refont surface. C'est dans ce wagon qui les emmène vers un ailleurs incertain, telle une parenthèse, que chacun repense à sa propre vie. Des vies somme toute ordinaires, faites de lumières et d'ombres. À fleur de peau, Anne Collongues dépeint, avec sensibilité et une justesse, des portraits touchants, profondément intimes et délicats, des moments ordinaires de la vie qui, sous nos yeux, deviennent rares et précieux. Un roman tel un tableau de ces vies que l'on croise sans regarder, de ces êtres que l'on aperçoit à peine et de ces solitudes si ancrées. L'écriture, gracile, presque fragile, insuffle un vent de mélancolie.
Un roman sensible et saisissant.
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