AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Scribe


Scribe
19 décembre 2021
Mourir au monde de Claire Conruyt
Soeur Anne ne s 'est jamais vraiment adaptée à la vie en communauté au sein du couvent où elle vit pourtant depuis 20 ans. Lorsque Mère supérieure, la charge du patronage de Jeanne, une jeune postulante, se réveillent en elle des sentiments et des questions que la règle conventuelle lui avait fait oublier. Ces quelques lignes de la quatrième page de couverture du roman de Claire Conruyt , Mourir au Monde a attiré mon attention dans ma petite bibliothèque de campagne.
C'est une forme de curiosité que j'ai souhaité satisfaire en m'immisçant dans ce dialogue entre Soeur Anne et Jeanne, car j'ai connu par l'intermédiaire de ma tante religieuse au Carmel ce que l'on peut vivre et ressentir, par procuration bien sur, de cette vie faite de prières, de travail, de silence et d'une hiérarchie, l'on dit bien Mère supérieure, respectueuse de l'ordre, que l'on peut en oublier une certaine humanité envers ses soeurs.
Mourir au Monde, cela veut dire se couper de tout : sa vie d'avant, ses relations, sa famille, pour entrer dans les ordres et revêtir l'habit de l 'épouse du Christ: «  une robe noire, jusqu'aux chevilles couvertes d'un collant ; un col blanc, strict ; une cape qui drape ses épaules, des chaussures à lacets qui, à force d'être cirées, pèlent légèrement sur les côtés. » C'est aussi, la notion de dénuement,  « une chambre modeste, un tabouret rangé sous un bureau qui craque, une armoire, une table de nuit sur laquelle repose un bréviaire et une bible un lit fait au carré. » En lisant ces phrases je me retrouvais enfant devant ma tante, hormis le fait que jamais je n'ai eu le droit d'entrer dans sa cellule, sa chambre. le mot cellule qu'elle employait démontrait bien aussi le fait de cette idée de mourir au Monde, recluse.
Dans toute institution religieuse ou militaire, le chef est reconnu. Ici c'est la Mère supérieure qui
dans certaines congrégations est désignée par un grade militaire jusqu'à général. «  Mère supérieure aimait Soeur Anne plus qu'aucune autre de ses religieuses. de cinq ans son aînée elle avait adopté l'habit maternel pour la consoler et la guider. Cela ne l'empêchait jamais d'être sévère. Ma Soeur, vous êtes en âge de vous occuper de celles qui entrent dans la vie conventuelle. Que vous ayez peur est naturel. le contraire m'aurait d'ailleurs embarrassée. Jeanne a besoin de vous. »
Bientôt la relation entre les deux femmes Soeur Anne et Jeanne va dépasser le cadre de la formation. «  Jeanne est une bouffée d'air frais pour les religieuses.  Elle bouleverse l'existence de Soeur Anne qui va ressaisir le sens de sa vocation et se retrouver elle-même. »
En effet Soeur Anne est dans le doute, fait-elle tout ce qu'il faut pour être une épouse du Christ. Cette interrogation sur sa foi fut aussi vécue un moment par Sainte-Thérèse de Lisieux. Dans ces moments Soeur Anne revient sur sa vie d'avant, son entrée dans les ordres incomprise par sa famille, la mort de son père annoncé brutalement pas la mère supérieure . Cette remise en question est d'autant plus vive qu'elle voit dans Jeanne, Soeur Marie-Blandine, une vocation pleine, rayonnante, au point d'en être « Troublée par sa vigueur triomphante au milieu de nulle part, à l'ombre du monde ; le frisson de la foi »
Dans cette communauté, l'humain prend toute sa place, lorsque des sentiments peuvent naître entre deux êtres. C'est ce que démontre Claire Conruyt dans Mourir au Monde. Une vie dans un communauté n'est pas celle d'un long fleuve tranquille. La mesquinerie, les murmures, les rumeurs, les ragots se font jour. « Soeur Anne ayant développé un attachement trop fort pour Jeanne. » Malgré que l'on ne sait rien, l'on subodore, et comme la règle édicte que l'on ne doit pas être trop proche,
la calomnie la médisance se fait jour, d'autant plus que l'on intercepte des lettres entre ses deux soeurs et que l'on les remets à la Soeur Supérieure. Quel place reste-t-il pour l'affection et l'humanité quand entrer dans les ordres exige de se défaire de soi-même pour s'abandonner à Dieu ? Comment la communauté peut-elle comprendre la délivrance de Soeur Anne pour qui la foi ne suffit plus, repose entièrement sur la relation avec Jeanne. 
«  Je vais partir Jeanne. Je souris en disant cela car il n'y a rien qui me rende plus heureuse que de renoncer à vous et de vous laisser en paix , dit Soeur Anne, avant que la mauvaise foi des langues de la communauté ne trahissent leurs véritables sentiments ou qu'une idiote corrompe leur attachement. »
Chaque soir, Jeanne constate que Soeur Anne n'est pas partie, elle est là tout prêt. «  Elle est malade c'est tout. Mère Supérieur lui a dit : Il faut qu'elle se repose. » le silence s'impose, seule une correspondance subsiste même lorsque Soeur Anne sera partie effectivement. La dernière lettre que vous lirez avec émotion sera celle de Soeur Anne à Jeanne. Elle pose cette question : « A quoi ressemble une lettre d'amour ? » Vous le saurez en lisant Mourir au Monde de Claire Conruyt qui a décrit si bien la confusion des sentiments dans cet univers clos, qui malgré tout reste imprégné de silence, de calme et de prières. Bien à vous.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}