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Critique de madameduberry


Je suis toujours passionnée par ce qu'on appelle les souvenirs d'enfance. Il me semble en effet que ces souvenirs -là sont en grande partie reconstruits, bien qu'ils aient souvent la netteté et le piqué des photos anciennes.
Le fait qu'ils soient à la fois une reconstruction et un vestige du passé est encore accentué par le récit de l'adulte qui les aligne et les fait résonner avec ses connaissances, quoi qu'il en dise. En effet Alain Corbin, professeur émérite d'Histoire à la Sorbonne, auteur entre autres de "Le miasme et la jonquille" pillé par l'auteur du Parfum, explique au lecteur qu'il restitue les images gardées de son enfance en faisant abstraction de ce qu'il a appris ensuite. Cela paraît difficile, car l'ouvrage,très beau dans sa clarté et sa fluidité, prendrait alors la forme d'associations libres, ce n'est évidement pas le cas de ce beau petit livre.
Donc Alain Corbin narre à partir de ses premiers souvenirs ce que fut la guerre , l'exode, le retour à la maison normande, les hivers froids mais exempts des privations des gens de la ville. Il évoque la figure de son père, qui quitta à 19 ans sa Martinique natale pour faire des études de médecine, et en filigrane la façon dont cet homme de couleur devint un médecin de campagne non seulement accepté dans le Bocage, mais manifestement respecté. Les rapports entre sa mère et son père, entre ses parents et les paysans, ses parents et la jeune fille qui fut leur domestique avant de mourir de façon absurdement révoltante, faute de secours adaptés à la suite d'une blessure, la colère du père à ce sujet, la rite de moisson de l'"herbe aux lapins", les déplacements difficiles dans des véhicules à gazogène cahotants, la teinte d'une robe d'été portée par la mère, les menus récurrents sur la table familiale, les bobos de l'enfance et leurs traitements de l'époque, tout cela fait défiler devant nous comme une bande ancienne d'actualités, le ton emphatique du speaker, et le côté ampoulé du texte en moins. Aussi je remercie M. le Professeur Corbin d'avoir ouvert pour nous les pages de son album de famille intime, pour nous restituer avec grâce et légèreté, mais aussi profondeur et émotion non dite les goût, le parfum, les odeurs et les couleurs d'un monde disparu.
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