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Critique de Bastien_P


Diabolique et jouissif

Ma lecture du tome 1, le château des brasseurs d'air, remontant à près de deux ans, j'avoue que j'ai eu quelques doutes quant à la chronologie. Brièvement, je n'étais plus sûr de savoir qui était qui, ni ce que les personnages avaient pu vivre en amont de ce nouvel opus. Mais tout est vite rentré dans l'ordre dans ma caboche, notamment grâce à des références et des rappels subtils que l'auteure distille tout au long de l'histoire.
Samantha Cortenbach nous sert à nouveau une histoire dense, extrêmement bien ficelée, avec des personnages tellement fouillés qu'on les identifie sans mal, jusqu'à s'attacher au plus vicieux de ces déviants. C'est diabolique, et franchement réussi. Cette densité de la trame, ces détails, ces réflexions et autres considérations judicieuses sur la nature humaine sont peut-être aussi le point faible de ce livre. A trop vouloir bien faire, l'auteure crée des longueurs et des répétition parfois lassantes, à m'en faire grincer des dents.
Pourtant, c'est bien son écriture, son style impeccable qui assure une liaison solide entre tous ces éléments. On se laisse embarquer par son rythme propre, ses choix, son sarcasme et son impertinence, par une identité littéraire qui fait défaut à la plupart des scribouillards. Sans cette précieuse qualité, j'aurai bien vite abandonné.

Tout comme dans le premier volume, Samantha Cortenbach illustre deux époques, séparées de quelques années à peine, et entre lesquelles les protagonistes auront le temps de mûrir leurs déviances autant que leurs rancoeurs. On peut assez aisément classer ce livre dans la rubrique “roman noir”, tellement l'âme de ses personnages peine à émerger de l'ombre. Même les plus candides ont leur part d'horreur. On frôle souvent la folie, sans jamais se l'avouer vraiment, mais les Pantins Marionnettistes, eux, y sautent à pieds-joints, allègrement, généreusement. Un délice de débordements, d'abandon aux vices les plus crus, dans une atmosphère oppressante par les frontières maritimes qu'elle érige. On se plaît à les regarder se débattre, s'affronter, se heurter à la dure réalité de leur condition et aux choix qu'on leur impose. Tous sont les pantins du jeu qui s'étend, de cet ostracisme vacillant qui choisira bientôt sa prochaine victime, et les règles muables qui opèrent en coulisse ne sont jamais celles que l'on s'était fixées.
C'est tordu, cruel, d'une intelligence rare, à tel point qu'on ne saurait choisir entre l'adulation de l'auteure, corps et âme, quoi qu'il en coûte, et la crainte sage, prudente, invitant à ne pas trop s'en approcher, de la Cortenbach. On l'aime, on l'admire, mais on ne le dit pas trop fort.

Entre alliances secrètes, manipulation des masses et jeux de pouvoirs, Samantha Cortenbach s'attaque sans en avoir l'air à l'immunité auto-décrétée des puissants de ce monde. Dans le confort des hautes sphères, loin des yeux du public, affranchis de toute introspection ou critique morale, pourquoi les membres d'une pseudo société secrète ne pourraient-ils pas exprimer leurs plus inavouables déviances ? Hein, pourquoi ? Qui sommes-nous pour les empêcher de jouir des violences qu'ils assènent aux plus innocents ?
Encore ces vilains-là auraient-ils pris leurs précautions, en ne s'attaquant pas, par exemple, à la mauvaise personne. A trop vouloir libérer leurs pulsions, en souillant la plus pure des créature, il se pourrait bien qu'ils engendrent pire qu'eux-mêmes. Des êtres touchés dans leur coeur, leur chair, et aliénés par tant d'immondices pourraient bien se retourner contre eux. Il eût mieux valu y réfléchir à deux fois. C'est là le destin de nos héros, la vengeance ! Mais froide, calculatrice, distanciée. Ceux-là se vengent comme ils respirent, il ne vivent plus que pour cela, en vérité. Gare cependant à ne pas oublier la clause de résultat ! A trop vouloir répercuter la violence subie, à prendre trop de plaisir dans l'expression de sa colère, on s'expose au risque de se perdre soi-même, d'enterrer définitivement son humanité, et d'emporter avec soi la cohorte des suiveurs.

J'ai certes été un peu moins emporté par ce tome 2, mais cette histoire originale servie par une plume géniale hisse sans mal Les Pantins Marionnettistes dans le haut du panier de l'édition indépendante ; n'en doutez pas ! Une valeur sûre, donc, pour qui aime évoluer dans un univers sombre et dans la vraie littérature. Merci.
Lien : https://editionslintemporel...
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