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Critique de LeFeuilleteurDeLivres


De 1861 à 1869, le mathématicien Michel Chasles acquiert auprès d'un certain Vrain Lucas quelque 27000 billets et lettres manuscrites écrites par des personnages illustres de l'Antiquité à la fin du XVIIe siècle, et qu'il identifie comme étant authentiques.
En réalité, il s'avère que ces autographes sont fabriqués de toutes pièces par Vrain Lucas, faussaire au talent indéniable, puisqu'il sut berner l'un des plus grands savants de son temps.

Un de ces faux autographes contient une révélation qui fit entrer et enfler une polémique à l'Académie des sciences pendant plus de deux ans, qui dépassera les murs de la coupole pour gagner l'Angleterre, l'Italie et les Pays-Bas. En effet, Chasles produit en 1867 devant ses confrères des écrits de Pascal censés prouver que la découverte des lois de l'attraction universelle, qui, comme chacun sait, est attribuée sans réserve à Isaac Newton, est le fruit de son génie. Cette nouvelle ne manqua pas de susciter l'émoi dans le monde scientifique des deux côtés de la Manche. Les Anglais, naturellement, refusèrent de croire en l'authenticité de ces lettres et crièrent à la supercherie.

Au sein même de l'Académie deux camps s'opposaient : les sceptiques, qui pointaient les incohérences des documents, et les partisans de Chasles, pour qui la probité de ce dernier ne pouvait être mise en doute. Pendant deux ans, Chasles présenta les « lettres simulées », qui chacune démontait opportunément, les uns après les autres, les arguments de ses détracteurs.

Finalement, le pot aux roses fut découvert, la tromperie prouvée ; Vrain Lucas jugé puis condamné à deux ans de prison. Si la première partie du livre décrit bien la polémique suscitée par ces révélations, celui-ci reste principalement consacré à la figure de Vrain Lucas, son histoire, son procès, ses intentions, la vie qu'il mena après l'affaire des faux autographes, ses autres condamnations pour vol, escroquerie et abus de confiance (il récidiva!) – délits en l'occurrence tous liés à la bibliophilie.

Le récit, fort bien documenté, enrichi de compléments éclairants sous forme d'encadrés, captive le lecteur jusqu'au bout. C'est celui d'un homme passionné par les livres et l'histoire, ardent patriote, qui, par appât du gain, peut-être par nécessité de subvenir aux besoins de sa famille, ne sut pas résister à user de son habilité à fabriquer des faux et de sa capacité à berner un savant confondant de candeur et de naïveté. C'est l'histoire d'un homme qui, sa première peine purgée, n'en perdit pas moins son penchant pour l'escroquerie à l'encontre des bibliophiles.

À souligner, parmi les annexes, la présence du texte intégral du mémoire écrit pour sa défense par Vrain Lucas, publié in extenso pour la première fois. Quelques reproductions photographiques des faux, et surtout la transcription de nombreuses fausses lettres fabriquées par Vrain Lucas, signées – excusez du peu – par des célébrités telles que Sapho, Alexandre le Grand, Socrate, Jules César, Vercingétorix, Cléopâtre, Marie-Madeleine, Charlemagne, Jeanne d'Arc, Rabelais, Galilée, Louis IV, viennent compléter cet admirable ouvrage.
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