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Critique de berni_29


Je voudrais vous parler de Marguerite. Son histoire ordinaire nous est racontée dans une BD merveilleuse et insolite, La Différence Invisible. L'auteure, alias Marguerite, la narratrice, se nomme Julie Dachez. Marguerite a 27 ans. " Elle aime les animaux, les journaux ensoleillés, le chocolat, la cuisine végétarienne, son petit chien et le ronronnement de ses chats ".
Marguerite vit dans un monde qui lui est hostile. Se déplacer dans la vie est fait de rituels. Chaque jour, elle doit appréhender ce monde par ces rituels pour aller au travail puis revenir vers chez elle, son monde à elle, son cocon. La routine rassure Marguerite : passer devant sa librairie, puis sa boulangerie, les rues, les escaliers, jusqu'à parvenir à son bureau...On dirait le Petit Poucet qui sème des petits cailloux pour s'assurer de retrouver son chemin. C'est un peu cela, à la différence près que Marguerite jette carrément des grosses pierres devant elle pour sauter dessus à pieds joints et tracer un chemin qui lui évite d'aller dans des zones qui lui paraissent hostiles, c'est-à-dire totalement inconnues de son monde, là où elle n'a aucun repère.
Son environnement est parfois fait de bruits. Chaque fois que Marguerite ressent une peur panique, le paysage autour d'elle devient rouge, tout devient rouge, les mots, les bruits autour d'elle, des situations parfois particulières.
Marguerite est naïve, prend tout au premier degré. Ses collègues de travail s'en étonnent, ironisent. Ses amis aussi, jusqu'à son compagnon Florian. Peu à peu, nous voyons le fossé se creuser entre Marguerite et les autres. On lui parle à chaque instant de ce qu'il faut faire, ce qu'on fait dans la vraie vie, quand on est normale... Au fond, c'est quoi une vie normale ?
Marguerite déteste les imprévus. Chaque imprévu est un cauchemar qui fait irruption dans son cadre de vie réglé comme du papier à musique. Seul, son cocon, c'est-à-dire un appartement fait de chats et de silence, la sécurise.
L'enfer n'est pas qu'au travail. Les invitations chez les amis sont aussi un supplice. Il y a justement une scène décrite merveilleusement où le personnage de Marguerite, vissé sur le canapé s'efface peu à peu du paysage des convives qui parlent fort et dansent : tandis que la scène qui l'entoure vite petit à petit au rouge vif, Marguerite devient invisible.
Marguerite en a marre d'être jugée en permanence. Pourquoi essayer de faire comme les autres ? Au fond d'elle, Marguerite sait qu'elle vaut la peine d'être aimée pour de vrai. Dans ces conditions, comment continuer à se faire confiance, à croire en soi, à se dire que tout va bien ?
Un jour Marguerite décide de chercher les réponses qui lui manquent, pour expliquer son mal-être. Elle va sur Internet. Elle découvre le syndrome d'Asperge, qui est une forme particulière d'autisme. C'est comme une joie de pouvoir enfin mettre un nom sur son état. Elle pense enfin avoir trouvé la clef. Pourtant il y a encore quelques obstacles à son chemin et elle va les franchir un à un... Mais je ne vous en dit pas plus...
J'ai adoré cette BD. Le titre m'a longtemps intrigué. En refermant le livre, je me suis dit qu'il y avait plusieurs façons de le comprendre. La différence invisible, c'est tout d'abord une façon de présenter un monde, un environnement qui n'accepte pas la différence, en cherchant justement à l'effacer. Mais la démarche de Marguerite est aussi de rendre sa différence acceptable, donc d'une certaine manière invisible en permettant que cette différence puisse faire partie à part entière de notre société. Enfin, la différence invisible, c'est aussi cette manière que Marguerite a de disparaître dans un paysage qui lui est hostile...
Dans cette BD, il y a parfois aussi de l'humour. Par exemple, l'entretien avec la directrice RH est un petit bijou...
Le récit est inspiré de la véritable histoire de l'auteure Julie Dachez et sa rencontre avec la libraire-illustratrice Mademoiselle Caroline, va lui permettre de donner corps à son histoire. J'ai refermé cette BD touché par l'intelligence et la sensibilité de ce ce témoignage, avec quelque chose au ventre qui vibrait. C'est fou comment une BD peut faire trembler les yeux, le cœur, nos vies quoi...
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