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Critique de LightandSmell


La vie selon Hope Nicely de Caroline Day fait partie de la collection Les instants Suspendus des éditions de l'Archipel que j'affectionne particulièrement. Attirée par le résumé et sa couverture colorée pleine de poésie et de délicatesse, je n'ai pas hésité à me plonger dans sa lecture. Et je dois dire que l'expérience fut des plus déconcertantes….

L'héroïne possède un mode de pensée particulier ce qui se traduit par une narration foisonnante et éclatée demandant un certain temps d'adaptation. Au début, j'ai même cru que j'allais abandonner le roman, avant de me laisser captiver par Hope, une jeune femme parfois enfantine dans ses réactions, impulsive et impatiente, mais une jeune femme très touchante et attachante.

Hope n'arrive pas à faire le tri dans ses pensées, alors elle part dans tous les sens, se répète comme pour se rassurer ou évacuer un trop-plein de pensées, fait des liens étonnants, a du mal à ne pas couper la parole aux autres ou à suivre une conversation. Souffrant de troubles de l'attention et de la mémoire, elle oublie aussi que ce soit des choses banales ou des événements plus sensibles et dramatiques, mais pas tous. de fil en aiguille, on découvre ainsi, parfois à demi-mot, la violence physique, psychologique et verbale dont elle a été victime plus jeune, sa différence ayant été source de moquerie et d'ostracisme.

Bien qu'elle ait vingt-cinq ans, Hope a besoin de règles et d'un cadre strict pour pouvoir être heureuse, continuer à être relativement autonome et poursuivre son travail de promeneuse de chiens, la jeune femme adorant ces fidèles animaux qui eux ne la jugent pas. Mais un événement dramatique va faire venir voler en éclats sa routine… Elle pourra heureusement compter sur des personnes rencontrées à l'atelier d'écriture auquel elle participe grâce à une bourse.

Ce groupe d'écriture est un peu le reflet de notre société avec des gens sympathiques, ouverts d'esprit et bienveillants et d'autres obtus, méchants et intolérants. Quand je dis autres, dans les faits, je pense à une seule personne, caricature de l'être qui prône de belles valeurs sur le papier, mais qui les bafoue à la moindre occasion, montrant que les jolies déclarations d'intention font rarement les bonnes personnes. J'ai beaucoup aimé les passages consacrés aux réunions de l'atelier d'écriture où sont soulevées des réflexions intéressantes autour de la littérature, et où l'on voit les liens entre Hope et les autres participants se développer et se resserrer.

La jeune fille deviendra ainsi amie avec l'un des participants puis avec le frère de ce dernier, un jeune homme brillant atteint du syndrome d'Asperger. Les interactions entre Connor et Hope seront parfois déconcertantes, ceux-ci ayant tendance à avoir des conversations en parallèle plutôt que de vrais dialogues. Leur amitié, empreinte d'acceptation et dénuée du moindre jugement, les aidera néanmoins tous les deux à avancer et à affronter certaines situations, même si Hope aura parfois du mal à se canaliser devant un Connor qui l'abreuve d'informations encyclopédiques sur des sujets personnels et sensibles.

À travers ces deux personnages, l'autrice aborde donc les thèmes de l'autisme et du syndrome d'alcoolisation foetale. Car si cette Hope est différente, c'est que sa mère a bu de l'alcool durant sa grossesse. Comment une future mère peut-elle faire ça à son enfant ? N'avait-elle pas conscience des conséquences irrémédiables de ses actions ? Est-ce pour cela qu'elle l'a abandonnée, parce qu'elle l'a faite différente ? Des questions qui tournent en boucle dans la tête de Hope qui, bien que très proche de sa mère adoptive, a besoin de retrouver sa mère biologique et d'entendre les réponses de sa bouche...

Et pour cela, Hope en est persuadée, il lui faut écrire son autobiographie, d'où sa présence à l'atelier d'écriture où elle recevra de précieux conseils. Devant le récit de sa vie, la femme qui lui a donné naissance ne pourra que la retrouver et s'expliquer. Si le raisonnement de Hope possède cette naïveté qui la caractérise et la rend si attachante, il lui apportera néanmoins les réponses auxquelles elle aspirait. Mais la vie étant ce qu'elle est, celles-ci ne seront pas forcément celles attendues et nous donneront une belle leçon sur l'importance de ne pas juger sans savoir.

Au fil des pages, Hope va découvrir l'amitié, la vraie cette fois, pas celle sous conditions qui vous oblige à boire pour mieux vous insulter et vous bafouer. Elle va aussi vivre des moments forts en émotions, apprendre à dépasser ses limites, remonter les secrets de sa naissance et découvrir que sa différence, c'est aussi l'une de ses plus belles qualités. Ce roman est d'ailleurs une ode à la différence et à la tolérance, une preuve que chacun à sa place dans le monde quel que soit son mode de pensée. Hope ne pense pas comme la plupart des gens, mais elle est terriblement attachante, attendrissante, spontanée et joyeuse, si ce n'est lumineuse.

Il m'a fallu du temps pour m'adapter à sa manière déstructurée de penser et à sa tendance à déverser un flot ininterrompu de paroles sans distinguer le superflu de l'absolu, l'important du babillage, avant de réaliser l'ampleur de la tâche qu'elle s'est assignée depuis son enfance : s'adapter aux autres. Une prise de conscience qui a renforcé mon attachement envers cette jeune femme courageuse qui fait de son mieux pour s'adapter à des conventions sociales qu'elle ne saisit pas, et à une société qui ne fait aucun effort pour laisser une place aux gens qui s'éloignent de la norme.

En conclusion, à travers une narration étonnante qui suit scrupuleusement le schéma de pensée non linaire d'une héroïne pas comme les autres, Caroline Day nous propose un roman déstabilisant et fort à la fois. Si un temps d'adaptation est nécessaire pour réellement s'immerger dans le récit, La vie selon Hope Nicely finit par s'insérer dans le coeur et l'esprit des lecteurs au même titre qu'une héroïne aussi spontanée qu'attachante. Ode à la différence, à la bienveillance et à la tolérance, ce roman aborde avec poésie, délicatesse et tendresse le syndrome d'alcoolisation foetale. Un thème rare en littérature qui bénéficie ici d'une approche originale qui ne séduira pas tous les lecteurs, mais qui permet de saisir au plus près la réalité des personnes concernées.

À noter que l'autrice n'est pas concernée directement par le sujet, mais a eu l'occasion, dans le cadre d'un groupe de soutien, d'écouter durant des centaines d'heures des personnes qui le sont. C'est cette expérience qui lui a inspiré le roman et son héroïne, une de celles qui restent longtemps logées dans le coeur des lecteurs.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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