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Critique de MenInBooks


L'entrée en matière directe dans le coeur du récit insuffle un rythme pas non plus effréné mais bien angoissant et pesant, tant par le drame que l'on commence tout juste à deviner que par la liberté traumatisée durement reconquise par les deux personnages principaux. Austin et Cam partagent désormais les mêmes cauchemars, les mêmes souvenirs .C'est au moment où la souffrance, encore trop confuse, vécue au quotidien les rapproche, que la réalité de leur nouveau présent va les obliger à changer les choses.

La structure du roman, organisée autour du présent et du passé constitué par les souvenirs du drame, est idéale pour faire accepter tout naturellement l'idée d'un énième gay for you. Un changement de personnalité qui se construit en même temps que les souvenirs et leur impact s'échappent peu à peu des pages. Ce passé douloureux, physiquement marquant et psychologiquement destructeur, nous est livré par bribes toutes aussi passionnantes qu'angoissantes car on se contente d'assister au cheminement d'un calvaire jusqu'à la délivrance.
Psycho est un de ces barbares des temps modernes que l'actualité met en lumière malheureusement trop souvent encore. Un de ceux qui prennent la vie en otage pour édicter les règles d'une réalité qui n'existe que pour eux, dans laquelle l'autre et sa souffrance n'existent pas. La terreur qu'il fait régner est de celle qui blesse plus que les corps, de celle qui ôte la dignité d'un être comme on le dépouille de ses vêtements un par un, de celle qui fait naître un horizon constitué de cellules où les hommes apprennent à ne plus êtres des hommes. Perdre leurs espoirs dans l'obscurité et l'humidité, vivre chaque instant dans la douleurs et la peur, voilà ce qu'ont été les six derniers mois d'Austin, Cam et huit autres de leurs compagnons d'infortune. Des mois entiers à ne pas comprendre, à ne plus savoir si le temps passe vraiment, à ne plus savoir si l'on veut survivre ou mourir.

Austin et Cam ne seront plus jamais les mêmes, combien de temps leur faudra-t-il pour qu'autour d'eux la vie se réadapte et accepte cet état de fait ? Qui oserait prétendre que l'on peut reprendre le cours de sa vie comme sur un claquement de doigt? C'est cette constante même du récit qui est une vraie réussite, celle où les faits passés et présents s'articulent autour de deux hommes qui, bien que retrouvés par les leurs, se sentent totalement perdus parmi eux. On comprend alors la colère, l'angoisse, la peur, le besoin intangible qui s'est créé entre Cam et Austin, même si la liberté n'apporte pas la solution à ce sentiment né dans ce sous sol sordide.
Explorer tour à tour la cause des peurs et leurs conséquences dans leur avenir était un pari peut être risqué, et peut être même déjà vu, mais force est de constater que ce schéma narratif est une vraie réussite.
J'ai vraiment adoré cette lente remontée en surface, tout de suite alternée avec les plongeons dans le sordide, de ces hommes d'abords prisonniers d'un autre, puis de leurs cauchemars. Ce besoin l'un de l'autre, plus qu'une attirance ou une romance, directement relié à l'instinct de survie, que l'on pourrait presque cataloguer en relation biaisée et qui pourtant sera la seule formule viable à leur guérison. Cam, l'asperger déjà habitué à vivre dans l'anxiété et l'anormalité, et Austin, le trop sobre, calme et prévisible comptable, sont morts d'une certaine façon dans cette cave de l'horreur. Les deux hommes qui assistent désormais à la fin du monde qu'ils connaissaient, découvrent en même temps les débuts d'un autre où tout serait possible différemment. Une vie où leurs yeux se réhabituent tout autant à la lumière qu'à leur nouveau moi et leurs nouveaux désirs.


Le peu de personnages secondaires renforcent énormément cette idée de huis clos, qu'il soit dans les lieux ou dans les esprits : cela pointe un plus du doigt sur cet isolement qui ne s'est pas juste terminé derrière cette porte d'acier refermée pour toujours. Apres s'être soignés, soutenus, appuyés dans cette cellule les deux hommes continuent de ressentir ce besoin de l'autre, né dans la souffrance, qui est désormais ancré en eux tout autant que leurs cicatrices.
Survivre: c'était dépendre l'un de l'autre. Vivre: c'est être l'un avec l'autre . Ce récit c'est l'histoire de ce temps d'adaptation nécessaire à nos deux héros pour le réaliser.

Si la traduction souffre de pas mal de maladresses et de quelques soucis récurrents de concordances des temps, la narration avec son aspect froid et caustique est très plaisante (en tous cas de celles que j'affectionne beaucoup). Ce soupçon de tendresse, d'humour et de dérision qui tour à tour s'oriente sur le chagrin ou la joie, parvient à créer une atmosphère intime et très clinique à la fois. Les deux personnages, que l'on aime beaucoup mais auxquels on ne se sur-attache pas (comme si cela aurait pu être n'importe qui) sont sobrement présentés sous l'égide d'une écriture qui ne fait pas dans la plume mais dans le plomb des mots qui ne ménagent pas leur impact.

Un roman aux relents de thriller, où la notion de changement radical est intimement liée au traumatisme, ou au destin selon comme on accepte de voir les choses. Un récit troublant dans lequel flotte presque cette impression que la vie et les événements ont joué malgré les hommes, pour les amener sur une histoire qui ne devrait même pas exister. Une très belle histoire d'amour, de confiance, de reconnaissance de l'autre comme son complément, qui amène deux hommes au bout du tunnel d'une vie où ils étaient menottés, juste main dans la main. Un texte qui n'aura pas eu besoin d'une de ces atmosphères étouffantes et glauques, dignes du Département V,pour faire son effet .C'était bien, c'était simple, c'était prenant, c'était chaud et surtout j'en redemande.
Lien : http://meninbooks.eklablog.c..
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