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Critique de Luniver


De la maternelle à la retraite, les évaluations nous suivent obstinément, répétant sans cesse les mêmes questions : « Avez-vous acquis les bonnes compétences ? » « Avez-vous réalisé les objectifs qui vous étaient fixés ? » Mais est-ce une mauvaise chose en soi ? Ce système d'évaluations, après tout, a remplacé l'ancien système de sélection, basé sur le sang ou la réputation des individus. Désormais, tous les participants sont égaux puisque notés selon le même système impartial.

L'auteure émet plusieurs critiques sur cet argument. Tout d'abord, certaines caractéristiques échappent naturellement à une notation : comment noter avec exactitude l'enthousiasme, la sociabilité ou la créativité ? Ensuite, l'objectivité et l'impartialité de ces évaluations sont plus un idéal inaccessible qu'une réalité. Même si les données sont collectées dans les règles de l'art, ce qui va être noté, et la manière dont on les note, sont des choix arbitraires et/ou politiques. On pourrait ainsi évaluer la « performance » d'une école sur sa capacité à transmettre des connaissances de base (mais lesquelles?), la rapidité à trouver un emploi pour ses étudiants, ou simplement leur bien-être. Aucune de ses évaluations n'est fausse en soi, mais elles aboutissent à des visions radicalement différentes des missions de l'école. Et quand les outils d'évaluation sont présents depuis longtemps, on oublie généralement de se questionner sur leur pertinence.

Multiplier les évaluations sur des facettes toujours plus nombreuses des individus ne change pas fondamentalement le problème, et une personne n'est de toute façon pas décomposable en une série de caractéristiques chiffrables et indépendantes.

Autre point sensible, les évaluations portent désormais autant sur l'être que sur les compétences techniques. Être timide, routinier, rêveur ou indépendant ne sont plus des traits de caractères qui vous sont propres, mais des compétences boiteuses qu'il est vivement conseillé de corriger, à l'aide de formations adaptées, pour correspondre aux besoins du monde moderne. On peut toutefois se poser la question de savoir si une personne a la capacité de se redéfinir continuellement selon les envies de ses supérieurs.

Pour conclure, les évaluations représentent pour l'auteure une nouvelle source de tyrannie, peut-être plus douce que les précédentes, mais tyrannie tout de même : elles disciplinent les esprits, créent des normes et participent à l'exclusion de ceux qui s'en écartent. le phénomène est d'autant plus efficace que les individus se retrouvent volontiers dans ces bilans chiffrés et s'offrent d'eux-mêmes à de nouvelles évaluations : les réseaux sociaux offrent tous la possibilité de soumettre photos de vacances, convictions politiques et humeurs du jour (et critiques de livres !) à l'approbation de nos pairs.

Bien que le ton soit de temps en temps exagérément pessimiste à mon goût, j'accorde à ce livre, pour la réflexion qu'il provoque et la remise en cause de comportement qui semblent aller de soi, la note de quatre étoiles sur cinq.
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