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Critique de EvelyneSagnes



Du désir au plaisir

« La danse magique des mains » : une expression cueillie au détour d'un chapitre du roman d'Olivier Delahaye. Elle est, au fond, une manière d'entrer dans cette histoire, voire de l'évoquer toute entière : « les mains d'artiste » de Romain, le personnage principal, âgé de 13 ans, « la main habile et douce » de Rhodia, sa nourrice, celle des sculpteurs dont son père vend les oeuvres et parfois les installe chez lui, enfin, lors de leur première rencontre, « la main ouverte » de Flore, pianiste mais aussi initiatrice : grâce à elle, « il est entré dans un autre monde, celui du désir qui mène au plaisir ». Et à la dernière page, Romain devant son piano chante pour « accompagner la félicité de ses mains »…
Le toucher donc, métaphore même de l'histoire, est à la fois interrogation quand l'adolescent caresse les statues pour découvrir les formes féminines, premiers émois innocents lorsque Rhodia le prend dans ses bras au sortir du bain, connaissance totale quand Flore, aveugle, installe cette si belle relation entre eux. Il y a bien la vue : voir pour savoir, pense-t-il ! Un tableau de Gustave Moreau, une image volée par le trou de la serrure ? Pourtant « le mystère absolu du ventre lisse » reste entier. Ce qu'il voit ne fait que l'amplifier ! Jusqu'à ce que Flore l'éclaire enfin, elle que la nuit où elle est plongée rend si lucide. Auprès de cette femme, « ses mains commencent à explorer ce que ses yeux cherchent désespérément à comprendre depuis des mois » et que ses parents semblent avoir voulu lui cacher.

Cette curiosité si naturelle, ce désir qui ne se reconnaît même pas encore, se heurtent en effet à l'incompréhension des parents, et surtout à leur condamnation. Pervers, vicieux, violeur en puissance, c'est ainsi que sa mère, outrée, le qualifie, avec une grande violence, lorsqu'elle découvre que son fils a de telles préoccupations. Elle est enfermée dans ses travaux intellectuels, corsetée dans des principes qui nient le sensible, la sensualité, le sexe, associé à la dépravation. Tout à l'opposé des « coeurs purs » que sont Rhodia et Flore.

Le romancier a choisi d'adopter le point de vue de Romain, non pas que celui-ci soit le narrateur, ce qui aurait dans ce cas réduit le champ de l'analyse : simplement le parti pris est bien le sien, et l'approche en est de ce fait juste et vraie, au plus près des sentiments, des impressions et des sensations de Romain, déconcerté parfois, rebelle de plus en plus souvent. Olivier Delahaye a de toute évidence beaucoup de tendresse pour son personnage, dont il raconte le cheminement du désir au plaisir, hésitant d'abord, puis joyeux et épanouissant, grâce à l'intelligence sensible de Flore.

En forme de conclusion, cette expression, qui pourrait bien à la fois dire l'intention du roman et définir son écriture. : « le passage de l'insouciance égoïste de l'enfance à la légèreté, une forme de grâce chez certains ».
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