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Critique de ComptoirDesConnaissances


Le roman a une structure très particulière, que j'ai constatée lorsque j'ai vu la table des matières à la fin du livre. En effet, il est décomposé en quatre grandes parties avec un prologue et un épilogue, puis en chapitres allant de cinq à sept chapitres par partie, puis en nombre de changements de narrateur (jusqu'à une quinzaine par chapitre). En calculant rapidement, nous parvenons à environ à une trois centaine de morceaux dans un roman de 650 pages, soit environ un morceau toutes les deux pages. Autant dire que le livre est beaucoup trop fragmenté et qu'un risque majeur se dégage : le lecteur s'y perdra très vite.

Le récit débute par un prologue expliquant comment les Epidemia se sont formés, et c'est une très bonne idée. C'est d'ailleurs une des seules parties que j'ai réellement aimé, avec la multiplicité des milieux sociaux d'origine des personnages et malgré tout leurs liens très forts. Je me serais contentée de ces six personnages, mais dès les pages suivantes, j'ai rapidement perdu mon engouement. Une vingtaine de personnages est présentée et décrite dans les cinquante premières pages, et ça ne va qu'en augmentant au fil du roman. Je me suis retrouvée avec un nombre impressionnant de personnages dont je parvenais à peine à retenir les noms mais dont je ne pouvais même pas décrire l'utilité dans l'intrigue.

J'ai plusieurs fois grincé des dents pendant ma lecture, et ce, dès le début. Les péripéties sont en elles-mêmes très chaotiques, mais j'ai mis cette incompréhension sur le fait que je n'étais pas encore familière avec l'univers et que ça allait venir avec le temps (comme avec beaucoup de romans). Mais les problèmes qui m'ont le plus agacée sont les répétitions de la fameuse phrase « tu le sauras en temps voulu » à chaque fois que Paula pose une question sur le nouveau monde qu'elle découvre. le souci c'est que le lecteur s'identifie bien plus à Paula car à l'instar d'elle, il rentre dans cet univers en y étant totalement étranger. Il a donc beaucoup d'interrogation et se retrouve à chaque fois face à un mur car très peu d'explications sont fournies dans les deux cents premières pages. Aussi, je me suis posée une question qui me semble plutôt importante car elle concerne au plus près l'intrigue : alors que ça fait huit ans que les Epidemia exterminent des populations, pourquoi les résistants ont attendu aussi longtemps pour combattre et enfin gagner quelques batailles alors qu'ils auraient pu aller chercher les sages plus tôt ou au moins mener une enquête sur les guerriers de lumière ? Je ne sais pas si une réponse est présente dans le livre, mais cette question m'a totalement fait perdre la crédibilité que j'avais pour l'intrigue.

En 200 pages, j'ai vite compris que les péripéties allaient se répéter tout au long du roman. En effet, les Epidemia cherchent à exterminer des populations et les Résistants à les sauver. Ainsi une bataille a lieu à chaque ville dans laquelle les Epidemia vont, et les batailles se ressemblent toutes. Les Epidemia ont toujours un train d'avance, puis les résistants arrivent, élaborent une sorte de plan, puis de nouveaux personnages interviennent pour sauver la situation, puis c'est au tour des combats en un contre un où le résistant qui combat pense toujours avoir l'avantage mais ne parvient pas à gagner, puis les Epidemia partent de la ville puisqu'ils ont réussi à tuer les habitants, mais juste avant de partir les résistances arrivent à faire perdre des forces aux Epidemia (en tuant un ou plusieurs de leurs sbires), puis l'histoire recommence dans une autre ville.

Il y a néanmoins des points positifs à l'intrigue, comme le fait que les antagonistes aient beaucoup plus de pouvoirs que les protagonistes pour que la situation puisse évoluer par la suite. Nous avons également beaucoup d'actions, ainsi que de nombreux retournements de situation et une bonne tension dramatique générale. Malgré tout, cette tension dramatique, bien que présente, n'évolue pas. Elle est toujours assez prononcée, mais ne laisse pas de moment de répit, ni de pression accrue. Il n'y a quasiment pas de suspens puisque les scènes se succèdent aux autres sans que le lecteur y soit préparé. Bien que le roman soit écrit avec un narrateur à la première personne, les personnages n'ont l'air de ne penser qu'au présent et ne pensent jamais à l'avenir, ce qui pourrait aider le lecteur à davantage s'imaginer les répercussions des actions des personnages.

M'étant arrêtée à la page 281, je ne peux pas dire comment l'intrigue évolue par la suite. Je n'ai pas pu continuer, car ma lecture devenait un supplice, je ne parvenais pas à digérer les pages que je lisais. Je me suis dit que je pouvais peut-être continuer à lire une dizaine de pages par semaine, mais à ce rythme je n'aurais pas fini avant des mois. J'ai donc préféré abandonner ma lecture ici.

Malheureusement, à cause des nombreuses questions sans réponses de Paula et du mal que j'ai eu à rentrer dans l'intrigue, je n'ai pas pu apprécier à sa juste valeur l'univers du roman. En premier lieu, j'ai essayé d'identifier l'époque mais j'ai eu beaucoup de mal. Généralement, dans les romans de fantasy où la magie est autant présente, le récit se déroule dans une époque médiévale et sans technologie. Mais dans ce roman, les voitures, les téléphones et les armes à feu existent, et cohabitent avec les samouraïs. Ce mélange est plutôt surprenant et m'empêche de déterminer son cadre temporel.

Comme je l'ai déjà dit précédemment, il y a plusieurs dizaines de personnages dans ce roman, voire dans les 280 premières pages. C'est évidemment beaucoup trop. L'auteur n'a pas le temps de les développer chacun, ce qui fait qu'ils se retrouvent tous identiques, à parler de la même façon, à penser de la même façon et donc à narrer leur passage de la même façon. Cependant, il est au moins clair que les deux camps de protagonistes et d'antagonistes sont bien séparés. D'un côté, nous avons les six Epidemia présentés sur la couverture, avec leurs subordonnés, et de l'autre côté nous avons les résistants, dont le nombre ne fait que grandir malgré les quelques morts. Après le prologue, je pensais que les antagonistes se comptaient au nombre de six, mais dès les chapitres suivants, j'ai constaté l'apparition d'un grand nombre d'autres personnages, sans que je sache qui ils sont et d'où ils viennent. C'est par exemple le cas de Billy, Jessica, Steffy, Gertrude… Tant de personnages dont je ne comprends pas l'existence et la place dans le roman.

Parmi tous les personnages présentés, nous pouvons facilement retrouver différents actants du schéma classique, tels que le mentor, représenté par les sages Serenna et Aurélie, le héros, par Paula, etc. Mais parmi tous ces personnages, j'ai l'impression qu'il n'y en a qu'un seul qui peut évoluer, et il s'agit de Paula. C'est bien dommage car dans un roman avec autant de personnages, j'aurais espéré qu'il puisse y avoir davantage de perspectives. En ce qui concerne les relations entre les personnages, ceux des protagonistes sont aussi plates qu'eux, mais ce sont celles entre les antagonistes qui possèdent le plus de réalisme. En effet, ils entretiennent des relations personnelles les uns avec les autres, des fois avec plus d'affinités et d'autres fois avec davantage de rivalités.

Quand un auteur choisit d'écrire, il faut qu'il se pose la question du type de narrateur, pourquoi le choisir lui et pas un autre et ce qu'il apportera au roman. Ici, Chris Delatour a fait le choix d'un narrateur à la première personne, et écrit au présent. C'est probablement le choix narratif que je comprends le moins dans ce roman, car étant donné qu'il y a une cinquantaine de personnages, c'est vraiment difficile pour un lecteur de rentrer dans la tête de ces cinquante personnages et de parvenir à les différencier. de plus, la fantasy est un genre qui ne se prête pas à la première personne car ce n'est pas un genre personnel. Un récit d'aventures ou d'apprentissage a de vraies raisons d'être écrit à la première personne car l'intrigue gravite autour d'un seul personnage, donc c'est judicieux d'avoir accès à ses pensées. Or dans un roman tel qu'Epidemia, l'intrigue n'est pas personnelle mais universelle. Il n'y a donc aucune raison pour que le narrateur soit à la première personne. Une deuxième faute (grave selon moi) est d'avoir choisi de changer toutes les deux pages le narrateur. Je me suis souvent demandée quelle était la raison à cela, et je ne l'ai pas trouvée. Si l'auteur veut changer l'identité du narrateur, il faut que le nouveau narrateur ait quelque chose à apprendre en plus de l'ancien narrateur. Or presque tous les personnages sont passifs et spectateurs lorsqu'ils sont narrateurs. Je ne comprends pas l'intérêt de changer de personnage qui parle toutes les deux pages. Pour conclure cette série d'interrogation, un narrateur omniscient serait beaucoup plus judicieux étant donné d'une part le genre de la fantasy du roman, et d'autre part la multitude des personnages qui empêchent d'avoir une cohésion dans le roman. Surtout que le narrateur omniscient aurait tout aussi bien pu décrire les scènes quotidiennes des Epidemia que celles des résistants, il n'y avait donc rien à perdre en restant classique !

En ce qui concerne le langage utilisé, je peux comprendre ce désir constant d'écrire avec un langage soutenu, et d'éviter au maximum les troncations, car quand j'étais plus jeune, j'écrivais de cette façon, mais aujourd'hui j'ai compris qu'il valait mieux écrire dans un langage courant et ne pas faire de fautes d'expression plutôt que d'essayer de se donner un genre et casser tout le rythme des phrases. À plusieurs reprises, j'ai lu des phrases comme « cela y est ! » où le personnage montre son excitation. Premièrement, lorsqu'une personne s'exalte, les émotions prennent le dessus et les contractions sont presque obligatoires car le naturel et la rapidité du langage prime. Deuxièmement, cette recherche du soutenu donne des constructions de phrases étranges comme celle-ci alors que c'est une expression qui ne se dit pas comme ça.

En ce qui concerne la polyphonie, c'est-à-dire les différentes voix des personnages et narrateurs, le vocabulaire attribué au narrateur est bon, mais l'auteur prête aux personnages le même vocabulaire, ce qui est problématique. le lecteur ne doit pas sentir qu'un auteur est derrière les personnages, alors que dans le roman, en plus de ne pas être naturels du tout, ils s'expriment tous avec le style d'écriture de l'auteur. de plus, il arrive régulièrement que les personnages ont plus l'air de parler au lecteur qu'aux autres personnages, en étoffant leurs discours d'informations complémentaires destinées au lecteur et non à leurs interlocuteurs qui savent déjà.

Points positifs :
– univers qui tient la route

Points négatifs :
– narrateurs trop changeant
– personnages tous identiques
– personnages beaucoup trop nombreux
– intrigue et tension plates

Lien : https://comptoir-des-connais..
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