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Critique de wartenkaplan



Le livre commence mal. Philippe Delorme nous avoue ne pas avoir trouvé beaucoup d'information sur la vie et les actes d'Anne de Kiev. Pas ou peu d'écrits, ni de témoignages.
Il en sera d'ailleurs de même pour tout le XIème siècle. Nous-mêmes, à l'école ou au lycée, nous avons zappé l'époque.

De quoi va donc parler l'auteur qui justifie le titre de son ouvrage ?

Il écrira autour et à côté de ce siècle. Il parlera de l'avant et de l'après. D'Anne, très peu !
L'auteur essaiera de reconstituer le puzzle historique de cette reine avec le peu de pièces disponibles. Il grattera la terre de l'histoire à la recherche de restes à recoller. Ce sera de l'archéologie au pinceau et à la truelle.
Et ce n'est qu'à la page 145 (le livre en compte 262) que Philippe Delorme commence à parler d'Anne de Kiev.
Mais déception, ce ne sont qu'hypothèses tirées de textes poétiques qui décrivent la princesse d'une façon idéalisée.



Venons-en à notre héroïne : qui est Anne de Kiev ? Pourquoi devient-elle reine de France ?
Elle est la fille de Iaroslav et d'Ingegerde, fille d'Olaf, roi de Suède. Son père est le "rex sanctus Gerzlef de Ruzzia", que l'auteur traduit par "le saint roi de Ruthénie". Intéressant, cette traduction !
A l'époque, le Ruthénie est une réalité, la Russie n'existe pas encore.
La date de naissance d'Anne Iaroslavna est incertaine. Sans-doute 1027-1028 ! de sang scandinave plus que slave. Elle née dans ce territoire que les peuples slave, suédois, wiking, ruthène, se disputent et qui n'est pas encore l'Ukraine, mais un espace que l'on appelle la Rouss.
Son grand-père paternel est Vladimir, lequel pour appartenir aux peuples européens décide d'embrasser pour lui et son peuple une religion monothéiste. Il est approché par l'Eglise catholique, qui ne le tente pas car elle règne sur un empire dévasté dans une Rome détruite. S'intéressant à la religion musulmane, il la rejette vite, car manger du porc, c'est bon et être circoncis, ça n'a aucun sens.
Donc ce sera la foi byzantine, car cette Eglise d'Orient règne sur un empire brillant. Et les ors et la pompe de cette religion l'impressionnent.
Cet élément de l'histoire ne représente rien pour nous puisque la religion est absente de nos préoccupations. Toutefois, ce choix par Vladimir pour la religion orthodoxe sera une des clés de l'incompréhension pour les siècles futurs entre l'Orient slave et l'Occident.

Pourquoi se marie-t'elle avec Henri Ier, roi de France ? Pourquoi diable ce prince est-il allé chercher une princesse si lointaine ? Eh bien tout simplement parce que l'Eglise ayant édicté qu'un roi ne pouvant s'unir avec une jeune fille qui pourrait être sa parente jusqu'à la 8ème génération, Henri n'avait pas d'autre choix, étant cousin avec toute l'Europe, que d'aller chercher femme dans les steppes lointaine.
Nos connaissons la date de son mariage avec Henri Ier : le 19 mai 1951.

Ensuite,comme les témoignages sont rares, l'auteur se contente d'imaginer ce qu'a pu être la vie d'Anne entre prières, gestions domestiques, promenades, broderies et rêveries.
On dit de la Reine des Francs qu'elle est pieuse, dévouée, sans passion ou amour véritable pour le roi Henri Ier, quadragénaire et misogyne. Elle est encore adolescente quand elle s'unit à ce roi à qui elle donnera 3 fils, Philippe, qui régnera sous le nom de Philippe 1er, Robert et Hugues... Et une fille, Emma ou Edigne. Anne sera couronnée à Reims et fera partie de droit de la Curia Régis, et il semble que son avis comptât puisqu'elle assumera une certaine régence durant la jeunesse de son fils Philippe.

Anne, veuve, se remariera avec Raoul IV, comte de Valois et de Crépy qui répudiera sa femme pour la reine des Francs. C'est presque un scandale pour le clergé et les moeurs royales de l'époque car contraire au droit humain et divin. Après tout c'est une veuve de 30 ans qui n'a point envie de prendre le voile comme le voudrait l'usage. Mais paraît-il, avec Raoul IV, se sera le grand amour ! Oh pardon, amour courtois, comme on dit alors ! Quoique sur la peinture çi-dessous, la phase de la simple courtoisie est largement dépassée...!


Elle créera l'abbaye de Senlis, moins par spiritualité profonde, que pour en tirer le droit d'accéder au paradis. C'est d'ailleurs cette relation "matérialiste"de la pratique religieuse qui prévaut à cette époque : tirer quelques bénéfices de la religion.

Elle meurt en 1079. Mais la date n'est pas certaine.


La lecture de ce livre est épuisante. L'auteur se complaît à faire défiler toutes les familles d'Europe et leurs liens entre elles dans un labyrinthe tortueux comme par exemple :
‟Mathilde, selon les généalogistes, serait la fille du margrave Ludolphe de Frise et de Gertrude d'Eguiheim-Dabo, soeur de l'évêque de Toul, le futur pape Léon IX. Or, ce Ludolphe a pour parents Bruno Ier, comte de Brunswick, et Gisèle de Souabe qui, en troisième noces, épousera l'empereur Conrad II et sera donc la mère de Henri III le Noir. Ainsi, si l'hypothèse est exacte, la seconde Mathilde se trouverait être la nièce de la première…″
Ouf, c'est éreintant de lire 150 pages de liens de familles nobles ou royales. Cela me rappelle les conversations des familles bourgeoises dans les années 1950-1960 qui jouaient au Who's Who local, en rêvant de marier leur fils ou leur fille avec un tel ou un tel.

Le roi, au XIème siècle n'est encore que celui des Francs. Il ne sera roi de France qu'un siècle plus tard. La ‟Francie Occidental″ n'est qu'un patchwork de langues et de coutumes différentes. Les nobles se disputent âprement le territoire qui n'est qu'une immense forêt troués de marécages et de clairières habités. 5 000 000 seulement de personnes peuplent ces terres.
Nous sommes dans les années d'après l'an Mil. Cette Francia est peuplée d'hommes aux prénoms inconnus de nous et/ou imprononçables tels que Aimoin, Chrodobertus, Siegebert, Hincmar, Æthelwulf, Odalric, Fulbert, Gerbert, Erlebert, Fumerse, et les femmes telles que Sigetrude, Theodrade, Nanthilde, Ingegerde,...

Il y a un détail qu'il importe de noter : le roi Iaroslav et son entourage sont raffinés. Contrairement à la cour du roi des Francs et Henri Ier lui-même qui sont rustres et querelleurs. Une bonne leçon à ceux qui pensent que l'Est de l'Occident, à l'époque, n'était peuplé que de sauvages sous-développés

Ce temps du XIème siècle est renfermée dans ‟Les Grandes Chroniques de France″ dominées par une Eglise qui réglemente tout.
Mon post est long, certes ! Certains m'accuseront de "spoiler". Si j'ai pris la peine d'écrire cette synthèse, vous en saurez ainsi assez sur Anne de Kiev pour vous éviter de lire ce livre fatiguant
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