AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Rodin_Marcel


Delumeau Jean (1923-2020) – "L'avenir de Dieu" – CNRS-éditions, 2018 (ISBN 978-2-271-12124-0) – format poche, 286p. (cop. 2015)

Le titre est trompeur, ce qui est bien dommage.
En effet, ce livre se compose de deux parties distinctes, et le titre ne rend compte que de la seconde, pourtant quantitativement bien moins importante (pp. 211-260).

La première partie (pp. 7-208) s'avère passionnante, car elle résume tout autant le contenu des recherches historiques que la méthode suivie par ce grand historien, et dépasse en tant que telle largement le seul cadre religieux.
On le sait, Jean Delumeau fut "le" grand historien du vécu de la peur, de la confession (en tant que fondement de la psychologie d'aujourd'hui), de la notion de "paradis" et de "purgatoire" dans l'Europe du quatorzième au dix-huitième siècles, une thématique qu'il résuma lui-même sous le titre "histoire des mentalités religieuses dans l'Occident moderne". Dans ces champs de recherche, il fut incontestablement novateur.

La seconde partie réunit des textes de conférences donnés ça et là, traitant de l'avenir non pas de Dieu mais plus spécifiquement de l'Église Catholique Romaine, qui n'est que l'une des variantes de la chrétienté, mais dans laquelle il fut élevé, éduqué, institué.

Le premier de ces textes est sans doute le plus intéressant, puisqu'il traite de la religion chrétienne en tant que fondement (au sens le plus fort) essentiel d'une unité culturelle de l'Europe, qu'il est de bon ton aujourd'hui, dans nos "élites" dirigeantes, d'oublier, de dénigrer, de rejeter. Cette conférence fut prononcée en mai 1991, elle n'eut aucun effet, le désastre culturel est aujourd'hui (2020) entièrement consommé.
Scènes vécues : lors d'une visite du Louvre, j'entends un gamin demander "dis maman, qu'est-ce qu'il fait le monsieur ?" en montrant le Christ au centre des "Noces de Cana" de Véronèse, et la jeune dame d'une trentaine d'années au "dress-code" bien caractérisé, de répondre, "ah ben ça, j'en sais vraiment rien !" sur un ton tout à la fois d'évidence et de quasi fierté (genre "moi, j'ai pas été chez les curés") ; ou encore la "grande reporter" de France-Info, qui – lors de la catastrophe en Haïti – répétait sur un ton d'excuse "oh, vous savez, ici les gens sont encore très croyants" comme s'ils étaient atteints d'une grave maladie d'arriération mentale...

Les autres textes sont encore plus datés, car l'auteur y exprime ses distances critiques envers l'Église Catholique, depuis le désastre de l'encyclique "humanae vitae" (Paul VI, juillet 1968 – pp. 253-254) réduisant à néant les "modernisations" introduites par le concile Vatican II (1962-1965) jusqu'aux sempiternels "débats" sur le célibat des prêtres catholiques, la place dérisoire des femmes dans cette église qu'elles tiennent à bout de bras, le mode de gouvernance autocratique kafkaïen etc etc.
L'église catholique romaine est son propre fossoyeur...

Ces textes intéresseront sans doute les historiens de notre époque, mais ils ne reflètent – comme l'auteur lui-même le souligne – qu'une opinion personnelle.

L'intérêt de cet ouvrage réside donc dans sa première partie, synthèse des travaux de Delumeau : incontournable pour toute personne s'intéressant à l'histoire des fondements de ce qui fut la culture européenne jusqu'au milieu du vingtième siècle environ.

Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}