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Critique de JplG


Quelle vie ! Ou plutôt quelles vies ont été celles de Jean François Deniau! Puisque naguère, il publiait ses « Mémoires de 7 vies », décrivant ses résurrections et ses réincarnations successives en nous laissant comprendre qu'après tout, il était toujours possible de vaincre la mort, à la seule condition de « croire et oser ».

« Survivre » n'est pas un nouveau recueil de ses mémoires. « Des mémoires, c'est une chronologie, un rappel systématique d'événements vécus, de personnages rencontrés… Je laisse quelques souvenirs monter, d'enfance et d'aventures » nous dit l'auteur en avant-propos. Toutes ses vies, Jean François Deniau les a croquées à pleines dents, aux quatre coins du monde, côtoyant « la mort de près », au milieu de toutes les guerres, de toutes les souffrances physiques et morales que l'homme, dans ses ivresses de pouvoir et d'argent, est capable d'inventer et d'imposer aux autres.

« Survivre »…, toujours en lignes élégantes et fortes, le récit se pare souvent des atours de l'épopée: … aux abords de la Khyber Pass, «Avec le colonel commandant les Khyber Rifles, nous nous arrêtons sur une petite colline juste avant la frontière, avec vue sur l'Afghanistan. Nous nous installons, Alain Boinet, le colonel et moi, dans trois grands fauteuils d'osier face au panorama. Thé. »… « Au-dessus de nos têtes, le sifflement des obus nous oblige à élever la voix. Je dois donc élever un peu la voix aussi – pas trop, gardons notre sang froid-… ». Nous ne sommes pas dans un roman de Kipling, nous sommes en 1987. Jean François Deniau n'a jamais voulu être roi!

« Survivre »…, le verbe devient parfois cri de colère, de révolte et dénonce l'hypocrisie :… à « Sarajevo, quand l'Europe a perdu son âme … La « culture des Nations unies» est une sorte de neutralisme nordique où on vit avec bonne conscience des guerres des autres sans y participer. Prendre un risque est mal vu»... à Srebrenica qui sera « écrasée…C'est un exemple dramatique, en pleine paix, et sans doute unique, de massacre sous contrôle international, au coeur de l'Europe ».

Quelles leçons de courage nous sont données dans tous ces vécus, de la jungle indochinoise au désert de Mauritanie, en passant par les montagnes afghanes et balkaniques, par les rues déchiquetées de Beyrouth mais aussi par les couloirs de Bruxelles et les cabinets ministériels de Paris. L'histoire de l'homme politique, de l'écrivain académicien, de l'ambassadeur de France, du marin, s'inscrit et s'implique dans chaque intensité de l'histoire du monde et celle de notre pays. Se souvient-on que Jean François Deniau rédigea le préambule du Traité de Rome ? « Et personne n'a osé ni même pensé s'attaquer à mon paragraphe final qui introduit pour la première fois dans un traité international le mot « idéal » ! ».
Pour la plupart d'entre-nous, tous ces soubresauts du monde ne représentent déjà plus que le souvenir de gros titres dans les journaux, trop rapidement estompés par les derniers flashs du vingt heures. Il faut avoir connu les affres de l'abandon pour ne pas oublier la main qui a été tendue : « …la réponse d'un chef d'Etat, ancien guérillero, interviewé à la télévision française :
- Vous connaissez Deniau ?
- Si je connais Deniau ! Il était avec nous quand personne n'était avec nous. »

En ces temps où nous dit-on, nos concitoyens sont moroses et ne croient plus en leur classe politique, où les valeurs de notre société semblent se déliter dans les recours insultants, les contestations violentes, les abus de confiance et les discours délétères, il nous est rappelé comme à ceux qui en revendiquent le titre, ce que suppose la fonction de « Grand Commis de l'Etat », avec une majuscule à chaque mot. le monde, l'Europe, la France a tant besoin de cette race de serviteurs. Il est certes plus facile et confortable de succomber aux tentations du renom et de la gloire corrompue des âmes grises. Mais navigateur lui même, Jean François Deniau sait combien il est difficile de garder son cap dans les déferlantes de la bassesse, de la trahison et de la démission. En le lisant, la devise d'un autre Grand Capitaine, Jean de Lattre de Tassigny, nous vient à l'esprit : « Ne pas subir ».

« Survivre »…, le ton se fait humble devant la maladie :… « J'ai peur de la nuit qui n'a pas de nom », mais ne désarme pas :… « Je ne pense qu'à retrouver la mer… la vie est trop courte, à peine le temps de se retourner… et il faut abandonner. N'abandonnons pas ». Quelle espérance aussi, pour « Tant d'hommes [qui] commencent à mourir si jeunes même s'ils ont l'air vivants »… « La volonté d'espoir quand il n'y a pas d'espoir, s'appelle l'espérance ».

« Survivre »…, les mots sont tendres lorsque la nostalgie affleure :… « le bonheur prend toujours la forme d'une île au loin » ou que le précepte du poète nous est rappelé : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ».

A n'en pas douter, l'ouvrage de Jean-François Deniau est à méditer, par ceux qui se veulent être les architectes de notre futur, par chacun d'entre-nous dans les coups de tabac de la vie.
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