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Critique de DavidG75


« Elle dure longtemps, la fin d'une enfance les poings serrés sans pouvoir les décoller de son corps. Demain a fini d'exister. »

Comment survivre à la vie lorsque celle-ci vous a volé votre innocence ?

Pour un short trop court, pour une jolie petite tête d'ange, pour des petites fesses bien fermes, ton chemin s'arrêtera dans une chambre tombeau, Benjamin, par la faute d'une ombre qui se posera sur toi.

Comme un requin ferrant sa proie en d'inexorables cercles concentriques, comme un étau se resserrant sur ton corps d'enfant, comme une tornade emportant tout sur son passage, le monstre aura raison de toi, jour après jour, nuit après nuit, au plus profond de ton âme et de ton corps. Il te salira, te blessera, te déchirera jusqu'aux entrailles et ne laissera en toi qu'une semence au goût de merde et d'écume salée qui consumera pour l'éternité ta peau de ses brûlures vives.

Tu avais huit ans. Et cinq longues années à passer dans cette chambre, loin de ton jumeau. Pourquoi toi et pas lui ? Pourquoi ? La faute à pas de chance. Et combien d'autres avant toi ? Combien d'autres après ?

Tu auras beau tenter de vivre en apnée durant toutes ces années, te créer ta bulle d'oxygène pour ne pas remonter à la surface où le monstre t'attend, te récurer à l'eau des chiottes jusqu'au sang pour tenter d'annihiler les souillures subies, on n'enfuit pas son passé sous un oreiller, à double tour dans une chambre.

Et même si tu parviendras à t'en échapper, le monstre aura fini par inoculer en toi ses démons. Ce sera alors la fuite en avant, quarante ans durant, jusqu'au Bout du Bout, là où tout commence et là où tout doit finir.

Surtout ne pas se réveiller. Surtout ne pas se laisser tenter. Mais comment sortir de ce cauchemar ? Tu réclames... Tu veux jouir des mêmes plaisirs... Tu n'es que tisons et braises incandescentes que le moindre souffle d'enfant viendrait enflammer.

Tu vis toi aussi de vouloir transgresser l'interdit, te repaître de chair fraîche, jeune et tendre, assiégé par ces démons qui auront dormi sur ton oreiller durant ces cinq années auprès du monstre. Tu aimerais éclater cette bulle, respirer à nouveau mais tu te tortures entre fantasme et réalité.

Le réel a ses frontières mais peut-être parviendras-tu à trouver la force de ne pas les franchir toutes ? Au-delà, la schizophrénie veille.

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Après Je voudrais que la nuit me prenne, qui m'avait bouleversé de par la thématique abordée (qu'il n'est toutefois pas possible de dévoiler ici sans en dévoiler trop – cf mon billet sur ce roman), Isabelle Desesquelles revient avec un roman fort sur un thème à nouveau difficile, presque insoutenable. Un roman écrit à la première personne, par la voix de Benjamin, petit garçon à l'enfance violée. Des phrases courtes, imprégnant un rythme élevé, haletant, à ce roman.

Les mots d'Isabelle Desesquelles sont ardus... ils sont hard... ils sont Art aussi.

Comme pour son précédent roman, Isabelle Desesquelles nous offre une prose imagée remarquable, suggérant plus qu'elle ne montre. Les nombreuses métaphores employées peuvent toutefois à nouveau conduire le lecteur en eaux troubles dans ce roman car il n'est pas toujours aisé de comprendre la trame de l'histoire qui se lit comme une succession de petites pièces que l'on assemble en un puzzle qui ne se dévoile que par bribes et n'apparaît réellement qu'une fois la dernière pièce posée.

Au-delà de la thématique sensible abordée dans ce roman, appuyée par certains passages crus, le style imagé pourrait donc également rebuter certains d'entre nous à cette lecture. Un roman qui reste cependant pour moi d'une grande qualité, après l'excellent Je voudrais que la nuit me prenne.

Roman reçu dans le cadre d’une masse critique privilégiée.
Merci à Babelio et aux éditions Belfond
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