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Critique de Tempsdelecture


Je suis ravie de retrouver Moscou, et ici le musée Pouchkine, dans l'univers de Daria Desombre ainsi que ses deux protagonistes, le rustre Andreï Yakovlev, le capitaine de en compagnie de la jeune stagiaire Maria Karavaï, désormais sa compagne à la vie comme à la Petrovka. J'avais apprécié le tome précédent, lequel nous plongeait au milieu des Vieux-Croyants, j'ai autant aimé ce volume-ci.

Nous retrouvons les deux moscovites quelques semaines après la fin de leur première enquête ensemble, qui a laissé la jeune femme totalement éteinte, à la limite de la dépression. Cette fois-ci, nous pénétrons la sphère artistique avec un tueur aux velléités picturales, enfin peu de délicatesse et de beauté, serait-on tenté de se dire. Mais n'allons pas trop vite. En revanche, on y retrouve un peu d'exotisme pour le lectorat russe pour qui le mot bouillabaisse sonne comme un borborygme infâme plutôt qu'une soupe délicieuse, comme l'oukha en serait un à nos yeux. C'est plutôt plaisant d'avoir agrémenté l'intrigue d'un arrière-plan artistique même si le premier plan, celui de la torture et de la mort, reste assez sinistre, j'en conviens. Je connais peu Ingres et son oeuvre, mais d'avoir recours à un peintre français, « physiquement » assez peu présent en Russie (les tableaux du maître présents dans le pays se comptent sur les doigts d'une mains: La Vierge à l'hostie au musée Pouchkine, un deuxième le comte Nikolaï Dmitrievitch Gouriev, 1821 se trouve à l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg et un dernier en collection privée, si l'on en croit Daria Desombre), permet d'ébaucher une esquisse de lien avec ses lecteurs français.

Contrairement au tome précédent, l'auteure russe élargit l'horizon de ses deux enquêteurs et place le domaine d'investigation au niveau binational. Entre Moscou, son musée Pouchkine, Montauban, son musée Ingres et Paris, Ingres et ses filles, peintes, esquissées, crayonnées à la sanguine, au fusain restent le fil conducteur d'une enquête à deux mains, réunissant la France et la Russie, unies par une affectation et animosité particulières depuis bien longtemps, malgré un Napoléon 1er, malgré un pacte de Varsovie, malgré la Crimée. On apprécie cette vision élargie de la jeune auteure russe d'autant que Daria Desombre n'oublie surtout pas, encore une fois, d'ausculter et dépeindre la population moscovite, de relever l'indigence d'une population appauvrie, qui a bien du mal à s'extirper de la morosité du quotidien. de montrer l'insignifiance, le mépris et la fatuité de ces quelques privilégiés, qui étanchent leur soif en sirotant du champagne tout en se gavant de sandwichs au foie gras. Et enfin, cette classe moyenne qui fait la jonction entre les deux mondes mais qui manque de consistance. le capitaine et son manque de culture sont peut-être quelque fois risibles mais Daria Desombre leur pardonne bien volontiers face à ces falots prétentieux, incapables de profiter de quoi que ce soit.

La narration est découpée entre différents points de vue, on passe d'Andreï à Maria, du meurtrier à sa victime, ou même du capitaine russe à notre commissaire parisien Perrin, ce qui donne mouvement et action au roman. C'est d'ailleurs sur ce point notable qu'innove le roman de Daria Desombre. Cette alternance incessante de points de vue donne vie à une enquête somme toute classique, si ce n'est le modus operandi de cet obscur assassin bohème. Parce que le motif pictural donne un peu de relief et de couleurs à l'enquête, on vogue entre classicisme français à la peinture de genre hollandaise au fameux musée Pouckhine et à travers ce faussaire, ce meurtrier, un génie de la peinture, et du crime, qui malgré tout son talent reste un marginal du monde de l'art et de la vie. C'est ce qui m'a d'ailleurs attiré dans ce roman moscovite. Dommage que le personnage de Macha soit un peu lisse, et que le couple qu'elle forme avec Andreï un brin convenu.

En dehors de cela, c'est un roman addictif grâce notamment à une auteure qui a su créer, dans son écriture, un clair-obscur unique, celui des pulsions à la fois créatives et meurtrières, de l'assassin. Quelques moments piquants et cocasses, et d'autodérision, notamment celui de l'entretien du capitaine russe et du commissaire français, aussi peu doués en anglais l'un que l'autre. Un régal! En dehors de ce cela, un point me tracasse: pourquoi la traductrice utilise le mot contrefacteur, et non pas faussaire. Après une petite recherche, pour moi-même, il m'est alors apparu qu'un contre-facteur « reproduit une oeuvre existante » alors que le faussaire « ne fait » que reproduire le style de l'artiste. Merci, Prodezarts.com

J'ai passé un moment tout à fait agréable, en vacances loin de la France, juste à mi-chemin de Moscou et de Paris, en compagnie de ce roman, de Macha, d'André et d'Ingres. Il me semble que Daria Desombre annonce par ailleurs un troisième tome, Andreï le capitaine de police reste un personnage à exploiter. J'attends ainsi de voir où la mènera de nouveau son inspiration.










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