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Critique de horline


"Le miel" a le charme des contes orientaux avec une Shéhérazade balkanique, une herboriste qui soigne ses patients avec des histoires et des tisanes médicinales. le narrateur, à qui on a diagnostiqué un cancer du côlon puis une intoxication grave, n'échappera pas à ce traitement peu conventionnel qui mine de rien a des vertus bien plus grandes que celles attendues …
Car Véra ne raconte pas n'importe quelles histoires. Elle raconte des destinées individuelles à résonnance universelle, des histoires d'hommes qui réfléchissent celle récente et douloureuse de l'ex-Yougoslavie, une terre labourée par les guerres où persistent des conflits irrésolus. Si les armes se sont tues, il appartient aux hommes, sommés après la sécession du pays de démêler leur identité ethnique et religieuse, de retrouver leur identité profonde loin des fantasmes et peurs savamment entretenue par quelques journalistes, occidentaux et même d'anciens collègues de bureau parfois.


L'histoire aux allures de fable qui occupe tout le récit est celle d'une famille disloquée suite à l'indépendance de la Croatie : Nikola apiculteur resté sur la terre de ses ancêtres, une enclave serbe, et ses deux fils, Vesko à Belgrade rejoint en catastrophe par Dušan avec femme et enfants pour échapper aux représailles. Mais l'absence du verre du Vieux Nikola au pot des retrouvailles décide cette famille à franchir la nouvelle frontière croate pour ramener le père resté sur ce territoire qui leur est désormais interdit.
Road movie rocambolesque où la traversée de nouvelles frontières, de nouveaux pays se fait d'abord avec le soutien d'un russe un peu étrange mais aussi et surtout grâce à des bidons de miel reconnu pour ses vertus nourrissantes. Ce précieux nectar porte bien ce nom puisqu'il alimente une sorte de cordon humanitaire tenu qui relie les hommes quelque soit leur religion, quelque soit leur origine. Après la politique de la terre brûlée, c'est le genre de récit qui suscite l'espoir de voir repousser sur ces territoires une humanité apaisée et débarrassée de ses rancoeurs et haines.
Mais pour y parvenir, il faut peut-être avoir vécu sur le flanc des montagnes de la Krajina, ancienne enclave serbe au sein de la Croatie. Prendre de la hauteur et dépasser ce qui divise les hommes, à l'image de Nikola, qui en vivant en ermite auprès de ses abeilles sur le Mont Velebit n'a retenu que la substance essentielle aux hommes.


Roman remarquablement bien construit. Avec une plume aussi sombre que légère, Slobodan Despot sait raconter des histoires. A elle seule, l'écriture retient le lecteur captif, saisit toutes les particules d'émotions qui virevoltent dans les airs avec une sobriété efficace.
L'auteur peut également s'enorgueillir d'avoir le talent pour capter la vie d'après-guerre avec une tonalité slave qui épouse parfaitement les contours de ce récit dominé par des sentiments d'abandon, de mélancolie et de fantaisie mêlés. Peut-être parce qu'il est lui-même d'origine serbo-croate.
Très belle découverte.
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