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Critique de Simonbothorel


Sorti à l'occasion de dix adaptations télévisuelles pour la plateforme Amazon Video, Electric Dreams est un recueil de nouvelles de l'auteur américain Phillip K. Dick dont je pense elle est une très bonne porte d'entrée dans l'univers grandiose de l'un des pères de la science-fiction. Chaque nouvelle a le droit à une petite présentation écrite par le scénariste ayant adapté la nouvelle pour la plateforme vidéo.

Immunité (The Hood Maker) (1955)

J'ai beaucoup aimé l'ambiance de cette nouvelle dans un monde où la pensée est constamment surveillée. Dick explore un univers futuriste, tout en gardant un regard sur notre société contemporaine, un très bon mélange entre roman noir et science-fiction s'opère. C'est aussi une bonne nouvelle pour montrer les thématiques principales de Dick comme la paranoïa, la surveillance constante, le totalitarisme. Cela pose une question essentielle chez l'auteur : est-on vraiment des êtres humains si nous n'avons plus notre propre pensée ?

La Planète impossible (The Impossible Planet) (1953)

Nouvelle très courte et efficace. Dick va dans un monde encore plus futuriste où la terre est devenu une entité mythologique (une vieille dame veut y retourner une dernière fois avant de mourir, mais on lui apprend que la Terre n'a jamais existé. le commandant du vaisseau décide de manipuler la dame contre de l'argent en lui faisant croire qu'ils iront voir la Terre). Nous nous trouvons alors loin dans le temps et il est pour nous inconcevable que la Terre ne reste pas dans L Histoire. le personnage de la vieille dame avec son robot est touchant, car nous sentons le désespoir de celle-ci lorsqu'elle pense voir la Terre. Est-ce vraiment la Terre ou non ? La chute nous l'explique subtilement et dit beaucoup de choses sur la condition de notre planète et de ce que nous en faisons.

Le Banlieusard (The Commuter) (1953)

Cette nouvelle traite cette fois-ci de la possibilité d'un univers parallèle. Nous revenons dans notre époque actuelle, donc dans les années 50. L'homme que nous suivons, le directeur d'une gare, tente d'élucider l'existence d'une ville présente sur aucune carte, mais dont un homme veut un ticket de train pour s'y rendre. Nous ne savons jamais si nous sommes dans la réalité ou une autre réalité. Tout le début nous pensons que oui, mais la fin fait découler toute une ambiguïté sur celle-ci. Il y a deux lectures possibles et les deux peuvent être admises. Nous rentrons également dans ce que Dick aime critiquer, la condition des hommes de la classe moyenne, vivant avec une femme (faisant toujours la "boniche") avec un enfant. Avec cette fin, il montre le train-train que la société américaine impose à ses citoyens.

Service avant achat (Sales Pitch) (1954)

Nous revenons dans un univers plus futuriste sur un homme poursuivi constamment par des publicités-robots qui parlent directement aux citoyens. L'homme se trouve dans les embouteillages et on le force à écouter ces publicités. Un sujet donc très actuel, car le personnage fait ressentir ce poids qu'il porte et qu'il n'a pas le choix de subir cela. C'est une vraie pression sociale qui nous pèse et nous amène constamment à être dans la rapidité, découlant ainsi sur de la colère. Dick dit beaucoup de choses en peu de lignes. Cela se poursuit quand il rentre chez lui (où se trouve sa femme faisant la cuisine, Dick n'hésite jamais à exagérer les traits) et un robot tente de se vendre pour forcer le couple à l'acheter. C'est assez drôle ce moment où le robot présente tout ce qu'il peut faire, car ça en devient burlesque. Mais le ton devient plus désespéré quand le personnage veut tuer le robot en utilisant sa voiture pour aller vers Centaure (un lieu où les gens vivent comme dans les années 50). C'est donc le récit d'un personnage en quête d'échappatoire et qui regrette une époque qu'il n'a pas vécue.

Reconstitution historique (Exhibit Pitch) (1954)

Une autre nouvelle qui traite de la thématique du monde parallèle à l'instar du Banlieusard, mais aussi de la nostalgie d'une époque que l'on n'a pas vécue comme dans la nouvelle précédente. Un homme travaille dans un musée et s'occupe de l'exposition XXe siècle (son époque se situe deux siècles après) à également comme le personnage précédent, l'envie de partir et de s'échapper de sa condition. Il rêve de vivre au XXe siècle, mais cela ne plaît pas à son directeur de musée. le protagoniste trouve que son époque n'est pas libre et que les gens sont soumis au gouvernement. Pour lui ce ne sont que des moutons de la société et les citoyens ne sont pas assez comme les gens du XXe siècle. Il trouve une faille spatio-temporelle dans son exposition et cela l'emmène en plein XXe siècle. Dick joue encore avec les perceptions et les sens de ses personnages. En effet, le protagoniste ne sait plus si c'est sa vraie vie ou celle dans l'époque où il se trouve. Jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il y avait bel et bien une faille entre deux dimensions. Il va alors vouloir revenir définitivement au XXe siècle et n'aura plus accès au siècle dans lequel il vivait. Il a pour lui une vie idyllique c'est-à-dire une belle maison, une femme, deux beaux enfants, etc. La fin laisse bouché bée et nous montre que le XXe siècle n'est pas si paradisiaque que cela et que la Guerre froide en ait une des causes. Dick fait donc encore une forte critique contre notre système contemporain et expose que nous sommes tous des produits vivant dans la chute d'un monde exclusivement dirigé par l'Etat.

Être humain c'est... (Human is) (1955)

Une nouvelle qui fait rentrer dans une nouvelle thématique de l'écrivain celle du changement de personnalité. Une femme vit avec son mari complètement accro à son travail. Sa conjointe complètement désespérée par les réactions cruelles du mari qui est également méchant avec leur enfant, veut divorcer de lui après son voyage sur une planète pour son travail. Cependant en revenant de ce voyage, son mari a totalement changé de personnalité, il est devenu très gentil et aimable avec sa femme et son fils. Malgré le bonheur de la femme, elle voudrait savoir pourquoi son mari s'est transformé du jour au lendemain. Son frère travaillant pour l'État, trouve la solution et nous apprenons que son mari a été possédé par un extraterrestre qui a volé son apparence, il a été en quelque sorte bodysnatché comme dans le film de Don Siegel. C'est une oeuvre très touchante car ce changement comble la femme qui voudrait rester dans cet état. Dick a une vision très pessimiste sur l'humain et particulièrement sur le personnage du mari, car si une vie existait autre part dans l'univers, serait-elle meilleure qu'un humain ? Sommes-nous trop cruels les humains alors que nous avons une chance immense de notre présence ici sur Terre ?

L'Inconnu du réverbère (The Hanging Stranger) (1953)

Cette histoire démontre avec une nouvelle manière un monde saisi par une entité extraterrestre. Un homme découvre chez lui un homme pendu et tout son entourage lui dit que c'est normal et qu'il ne faut pas s'inquiéter. le personnage fait son enquête et voit que tous les humains ont été transformés par des hommes-insectes se fondant dans la masse en prenant l'apparence des habitants. C'est une oeuvre pleine de désespoir et sans issue, car la fin amène le lecteur vers une forme de boucle et démontre que tous les lieux ont été contaminés par ces monstres.

Autofab (Autofac) (1955)

J'ai eu du mal à saisir l'univers de cette nouvelle malgré mon appréciation pour les mondes post-apocalyptiques. Nous sommes dans un monde où la guerre a dévasté la Terre et des robots-machines ont construit leurs propres usines qui produisent seules les besoins des quelques humains restants. le problème est que ces machines puisent toutes les ressources aux humains et ne leur laissent aucune ressource. Une colonie va alors tenter de remédier à cela. J'ai donc eu beaucoup de mal à comprendre les notions de cette nouvelle et je n'ai pas pu rentrer en profondeur dans celle-ci. Cela est dommage, car elle pose des questions encore une fois très passionnantes. Celle des machines faisant le travail des humains, une notion écologique est aussi présente et montre encore une fois que Dick apporte une théorie inquiétante et essentielle à propos de notre planète.

Foster, vous êtes mort ! (Foster, You're dead !) (1955)

Dick offre un récit se déroulant dans un monde contemporain qui expose la surabondance des bunkers ou abris antiatomiques dans le pays. Tout cela à cause de la guerre froide qui rend totalement paranoïaque la population. L'État profite alors de la peur de ses concitoyens pour se faire énormément d'argents sur les bunkers en sortant régulièrement des nouveaux modèles et outils pour améliorer leur "sécurité". On pense à des choses se trouvant dans notre époque actuelle avec par exemple les produits Apple sortant tous les ans le même Iphone avec peu de nouveautés dessus. Nous suivons l'histoire d'un enfant qui n'a pas d'abris chez lui, car son père est contre ce système et a saisi la manoeuvre manipulatrice de l'État américain. Cependant cet enfant est malheureux et veut absolument avoir cet abris. Les élèves se moquent de lui à l'école, les voisins ignorent la famille concernée, ils sont regardés de travers, etc. Cet enfant est très touchant par sa manière de vouloir parvenir à un certain bonheur pour être intégré dans les normes de la société. La suite du récit démontre que malgré l'achat du bunker, il n'y a aucune solution dans cette société où l'argent est roi et démontre la paranoïa omniprésente lors de la Guerre froide.

Le Père truqué (The Father-thing) (1954)

Cette nouvelle confirme l'importance de l'image du père dans l'oeuvre de Dick. C'est une histoire similaire à celle de Être humain, c'est... car cette fois-ci c'est un père aimable avec sa mère et son fils qui change soudainement de personnalité. En effet, son fils voit son père parler avec quelqu'un ayant la même apparence. C'est un aspect plus horrifique et sombre que travaille l'auteur, car la nouvelle part dans une traque à la mort du faux père contre son fils. On sent que le monde est sûrement contaminé par une entité voulant saisir les corps des humains, tout comme dans L'Inconnu du réverbère.

Pour conclure, j'en retiens une très bonne lecture et surtout très enrichissante posant des questions toujours d'actualité dans notre société. Dick passe par beaucoup de temporalité et maîtrise chaque époque dont il parle. En parlant constamment des réalités alternatives, de la paranoïa, de la nostalgie d'une époque, de la contamination d'une espèce inconnue ou encore de la destruction de la Terre, il pose les fondements de nos peurs sous les traits d'une lecture variant entre comédie, ironie, noirceur, mélancolie et désespoir.
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