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Critique de JeanLouisBOIS


Les insuffisances du journalisme.

Dans une époque caractérisée par la montée des démagogues, on pourrait craindre le pire d'un livre intitulé : le Mépris du peuple et sous-titré Comment l'Oligarchie a pris la société en otage. Son auteur, Jack Dion, journaliste à l'hebdomadaire Marianne évite les écueils d'une simplification manichéenne et n'hésite pas à poser des questions souvent éludées. Il fournit une sorte d'état des lieux des pouvoirs en France au milieu des années 2010 en se concentrant sur les rapport de l'élite et du peuple que ce soit dans le domaine politique ou économique. Son livre est bâti sur six commandements ironiques qui passent en revue les partis politiques, le capitalisme mondialisé, la domination de l'économique sur le politique, la perte de souveraineté nationale, le divorce entre le peuple et ses représentants et l'affaiblissement du rôle de l'Etat. Dans ce vaste panorama, on a droit au ressassement de beaucoup d'idées qui flottent dans l'air du temps. Pourtant, certaines sortent des sentiers battus et c'est sur ces dernières que je m'appesantirai. D'abord, l'existence d'une société politique élue composée de professionnels de la chose publique alors qu'en toute logique ces serviteurs de l'Etat ne devraient pas demeurer en place plus d'un mandat ou deux, ainsi que le cumul des mandats et des émoluments qui sont associés évidemment !! Jack Dion rappelle aussi la sous-représentation massive des classes inférieures et moyennes dans des assemblées censées représenter l'ensemble des Français (pas un ouvrier, pas un chômeur, pas un paysan, pas un employé) et la surreprésentation bien plus massive encore de l'élite autoproclamée des fonctionnaires (surtout agrégés, anciens de science po et de l'ENA), des avocats et de médecins. A tel point que l'auteur parle à juste titre de « prolophobie », de peur des prolétaires. du côté économique, la toute-puissance de l'argent atteint des niveaux extrêmes se traduisant par un accroissement considérable des inégalités sociales et conduisant une oligarchie à dicter sa loi à des hommes politiques dont la préoccupation déterminante consiste à se faire réélire. Là, on pourrait lui reprocher de fleureter avec la démagogie, si les comportements des gens concernés ne venaient nous ramener à l'amère réalité ! Jack Dion revient aussi de façon pertinente sur les notions de souveraineté et de populisme dont il devient impératif de revisiter le contenu au lieu de les balayer trop vite d'un revers de la main.
Cet essai possède donc de nombreuses qualités mais aussi quelques graves faiblesses. La plus agaçante me parait résider dans l'utilisation systématique d'un style journalistique faisant appel à des formules clinquantes et toute-faites qui donne souvent l'impression de lire du prêt-à-penser, de ne s'attacher qu'à l'aspect superficiel des problèmes et de chercher à mettre l'auteur en valeur. Ce prêt-à-penser est renforcé par l'emploi très fréquent d'une rhétorique et d'une sémantique chères à la gauche intellectuelle française, comme si une tendance politique pouvait avoir le monopole du progrès, de la justice sociale, de la liberté, de la vérité dans un pays démocratique. On a trop souvent l'impression de tomber dans le cliché du journaliste intellectuel de gauche écrivant dans un journal de gauche, pour des lecteurs de gauche avec le but de les conforter dans leurs convictions de gauche. Beaucoup de sous-entendus, de clins d'oeil et d'affirmations tronquées semblent exclure tous ceux qui ne se placent pas systématiquement dans cette optique. Dommage car parfois Jack Dion soulève de véritables problèmes rarement abordés ou passés sous silence mais sans jamais apporter la moindre perspective de solution. Peut-être est-ce là les conséquences de son métier de journaliste ?
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