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Critique de Bologne



« Il s'est toujours nourri des lieux qu'il a habités et qui finissent un jour par l'habiter. » Lahouari Belguendouz, le narrateur de ce récit, est la figure, à peine voilée, du romancier qui se souvient, à travers lui, de la ville de son enfance, Oran, qui continue à l'habiter. « La Radieuse », comme on l'appelait alors, avant la guerre d'Algérie qui l'a meurtrie. le récit commence sur ces notes colorées, heureuses, dont la misère transmuée par les souvenirs d'enfance prend des allures de conte de fées. Pas pour longtemps. Insidieusement, la guerre fait son apparition, par des notations d'apparence anodine, le changement de destination d'un lieu sous occupation militaire : les arènes sont devenues un centre de tri des troupes françaises ; le grand hôtel abrite le siège de la commission locale du cessez-le-feu ; le fort de Santa Cruz, « qui ressemblait à un gâteau au miel roux », accueille un centre de transmissions de l'armée…
Ce qui change est très subtil, car la matière même de ville reste identique, le soleil continue de baigner la terre et la mer. « Telle l'eau dans l'anisette, les choses s'étaient précipitées. Désormais, on n'allait pas tuer que le temps, l'ennui et les moustiques. La lumière, qui faisait la réputation du pays, prenait peu à peu la couleur de la cendre. » On ne regarde plus le bleu, du ciel, de la mer ; la beauté n'a pas disparu : elle est oubliée. Ce sont les regards qui ont changé, et sur le même ton neutre dont il racontait son enfance, l'auteur en évoque le saccage. Avec nostalgie, souvent ; avec humour, parfois, lorsqu'il évoque la « pucelle d'Alger », la statue de Jeanne d'Arc, affublée d'un haïk après l'indépendance.
Reste le souvenir. « Il sait que les villes sont comme les gants. Qu'importe la matière dans laquelle ils ont été taillés, l'important ce sont les traces et la tiédeur qu'ils laissent, après avoir été ôtés, sur la chair des mains qui parlent elles aussi. » C'est ce souvenir qui nous touche, cinquante ans plus tard, parce qu'il a laissé sa tiédeur dans la mémoire de l'auteur, et qu'il nous la lègue.
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