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Critique de JeanOtto


On ne va pas se mentir, le héros du bouquin, j'en ferais pas mon mec. Comment, vous demandez-vous, avec sa bobine de joli minet au corps affûté, n'aurais-je pas été émoustillée ? Bon d'accord, au fond j'ai végété dans ma délibération, un gaillard robuste, le délire du paysan qui moufte pas, physiquement puissant, le genre à tracter des brouettes de purin sans fatigue, après examen, pour en faire un quatre-heure, ça passe, puis faire la dégoûtée ne cadrerait pas avec mes fantasmes crades de citadine. Mais non, toute jachère sentimentale mise à l'écart, incroyable fourbi que je vous déconseille, le foutu bonhomme n'a pas tapé dans mon coeur. Il faut dire que le livre n'est pas de ceux où l'on s'amuse festivement.

Oui, je derive. Donc le bouquin. Une sorte de dystopie écologique. D'abord l'eau joue doucement, mais pas longtemps, soiffarde telle une pocharde, elle fait de l'oeil à nos plages enplastiquées, puis n'y tenant plus, elle déborde, le galbe roulé, vient peloter nos côtes dans une prodigalité heureuse. Les rues bétonnées se gorgent au rythme des marées, l'urbain devient l'extension de l'océan.

On spécule tels des devins désastreux, restera ou restera pas ? Les hésitations atermoyées ne font pas long feu, ces parages mouillants deviennent casse-gueules et foutent tout le monde dehors.
Je me fraye donc un chemin, baignant à poil dans la mélasse, dans un futur passablement tout pété. Ce dernier hâble, en bonne santé, me prend par la taille - sans consentement - pour aller faire la fête au bar. Très bien. Je rejoins mon poto Janvier, oui, je vous l'accorde, confusant comme prénom, ma scolarité n'en a jamais croisé, donc, ce mec, ce paysouz, Janvier, brave type pas jobard, acidule ordinairement sa vie dans ses champs, réconfortants comme une caresse, en Lozère. Bien sûr, ça c'était avant le bain d'emmerdements.

Le climat se carapate. Coffré dans les catastrophes climatiques, dorénavant ça chie partout, les degrés grimpent, c'est en bombe que le mojito devient flotard, pas sérieux, la terre s'écaille à vue d'oeil, fripée comme les valseuses d'un octogénaire, faire pousser trois radis convoque un art divinatoire, bref les climatosceptiques peuvent aller se rhabiller.

Je promène mon regard de cake sur ce futur fiévreux, pas brillant, cette chaudière échauffée par la connerie humaine. L'autrice nous endort sur l'époque et je lui fais raison, pas besoin de lire le rapport du GIEC pour savoir que ça sent le cramé et que ce futur nous colle indécemment au cul. Cette merde noire barbouille mon éco-anxiété, impossible de me rincer le palais avec cet effondrement qui me fait coucou, c'est-à-dire si peu fantaisiste tellement réaliste, j'ai envie de pleurer dans les jupes de ma daronne.

Et figurez-vous que j'ai un sang de glace, il faut se lever tôt pour me faire déballonner. Que des rats fourrent leur crocs dans mes orifices et me tètent dans des bruits de succions inconvenants, bof, mon imperturbabilité paramètre tranquillement mon débit sanguin. Mais ce qui me file des suées, et Madame Dordor se déhanche plutôt bien sur ce rythme, c'est la guérison que propose l'humanité face au cataclysme. Cette protection magique qui consiste à décamper des zones flinguées en se réjouissant d'aller déconner sur les terres encore potables. On se convainc que l'état actuel de la planète, sa détérioration aggravée, est l'état nature.

Les gouvernements s'adonnent frivolement à leurs jeux favoris, petites politiques de couloir, de la démagogie populiste bien garnie. Résultat, ils se bottent pour un plan d'enfer. On appuie sur la pédale comme des macaques très cons, histoire de se faire avoiner un peu plus la gueule, l'agriculture intensive se poursuit, très récréative pour déglinguer la planète, on appuie un peu plus, les escares plein le croupion, on fait varier l'inclinaison pour éviter la crampe, le libéralisme scintille apprêté dans ses peaux formidables, LED basse conso bien entendu, oui monsieur, on le veut ce modèle capitaliste, je le riverais au pieu, mes tripes en frémissent, ça fait bander le phallus que je n'ai pas. On en ricane de cette décroissance, pouah, qu'ils s'arrachent ces cassos de réac, ces efféminés qui s'enmanchent avec leur tofu, qu'ils aillent graisser leurs discours d'écolos ailleurs !

Et c'est à peine si ce Janvier renâcle dans ce jus de rognures d'ongles. Il voyage à pince dans l'idée de rallier son patelin perdu, il glissouille d'un chapitre à l'autre avec un stoïcisme sans pitié.
C'est d'ailleurs cette affaire-là qui me pose problème. La chaleur des sentiments fait défaut, tout au plus si ça grésille, on donnerait sa place pour vibrer un peu plus dans ce futur chiasseux, humecter nos joues du feu intérieur des personnages, lesquels pataugent sans piment véritable.
Leurs égratignures, tristes et douces, restent sourdes dans une histoire qui a pourtant de quoi bouleverser. Néanmoins, soyons indulgent, pour un premier livre, c'est plus qu'encourageant !
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