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Critique de c.brijs


Voilà un petit roman que j'ai apprécié. L'histoire de ce huis clôt entre cette jeune femme à la croisée des routes et son déménageur, Ben l'éphémère, était un petit entracte savoureux.

Premièrement, côté fantasmes, on est servies! Jugez plutôt: "Il me mettait mal à l'aise, avec son jean moulant et son tee-shirt collé à la peau par la chaleur. Vingt ans, peut-être vingt-cinq, assez beau dans le genre narquois, très présent physiquement mais l'air ailleurs. (...) Sauvage et fuyant. Moitié guépard, moitié anguille."

Vous en voulez encore plus? Allez, juste pour le plaisir des yeux:

"Il a ramassé par terre un grand caleçon, style Damart.
- C'est à lui? Vous l'avez gardé en souvenir?
- Je lui ai offert à Noël. Il ne l'a jamais porté.
(...)
- Ben, je l'essaie. Moi, j'adore les cadeaux.
(...)
Le déménageur est revenu. Il portait juste le caleçon. Sur lui, c'était carrément superbe. Ce n'était plus un sous-vêtement contre le froid, ça devenait de la lingerie érotique."

Mais, ne vous méprenez pas, on est bien loin d'une simple histoire de jarretelles et de caleçons! Cette rencontre va surtout être l'occasion pour les deux héros de se bousculer l'un l'autre et de découvrir, chacun, ce qui lui manque pour enfin VIVRE! Liza devra faire le deuil de son enfance, celui d'une mère trop séductrice, d'un père distant. Ben, l'orphelin, devra enfin s'avouer son manque de souvenirs de famille... Sans se faire de cadeaux, chacun va balancer à l'autre ses quatre vérités... Cette mise à nu étant finalement le plus beau présent qu'ils puissent se faire!

"Vous êtes fière de quoi dans vot' vie? de ce qu'on vous a donné, c'est tout! Vous avez jamais rien fait par amour, à part chialer sur vous-même et le temps qui passe, et mes p'tites chaussures, et mes p'tites tartelettes, et la p'tite pipe de Machin qui s'est barré, et la p'tite assiette de mon chat qui est mort! Vous savez pas aimer les vivants! Vot' père, si je vous avais pas dit "Allons-y", vous auriez jamais eu l'idée d'aller lui faire la surprise. Vous seriez restée assise devant vot' caisse en attendant qu'il se noie, pour mettre son tuba dans vos souvenirs. Vous n'êtes qu'une croque-morte.
- C'est masculin.
- J'm'en fous.
- Et c'est invariable.
- Ouais, c'est ça. L'orthographe, ça vous sert de morale. "J'ai zéro faute: j'ai la conscience tranquille." Il me fait de la peine, vot' père, tiens! Vous le méritez pas!"

Cette histoire nous renvoie immanquablement à nos propres entraves. Combien sommes-nous, à l'image de Liza qui traine derrière elle tous ses cartons de souvenirs, à laisser le passé nous ralentir voire nous immobiliser? Il ne suffit pas de caser tout dans un carton et dans un coin de nos têtes pour être quitte de nos souvenirs. C'est en les affrontant en face qu'on peut enfin aller de l'avant... Voilà la morale de ce roman.

Côté style, on ne s'ennuie pas un seul instant. On assiste à une alternance entre les réflexions de Liza et ses échanges tour à tour drôles, émouvants, vifs voire incisifs avec cet homme qui pénètre sa vie comme un météorite. A voir Ben sortir et entrer de l'appartement au gré de la tournure que prenaient leurs conversations, j'avais quasi l'impression de vivre les scènes en direct et d'assister à une représentation théâtrale. Ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'auteure est réputée pour ces textes de théâtre...

Bref, une lecture plaisir qui tombe à pic en cette journée de la femme... et qui nous rappelle que la liberté c'est peut-être avant tout en nous que nous devons la trouver!
Lien : http://lacoupeetleslevres.bl..
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