AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de jvermeer


******

Vermeer à Paris ! Je n'aurais voulu rater cela pour rien au monde.

Une exposition exceptionnelle « Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » s'est tenue il y a deux ans au musée du Louvre à Paris.
80 peintures des maitres hollandais de la peinture de genre du 17ème siècle, Siècle d'or hollandais qui va voir s'épanouir quelques-uns des peintres les plus importants de l'histoire de l'art, étaient réunies. Pour la première fois à Paris depuis 1966, douze chefs-d'oeuvre de Johannes Vermeer, soit le tiers de ses tableaux connus, étaient rassemblés dans le musée. Un exploit !
J'ai beaucoup apprécié la conception de l'exposition permettant une confrontation directe entre la peinture de Johannes Vermeer et celle de ses contemporains. A cette époque, la plupart des grands peintres de genre se connaissaient, s'appréciaient, et s'inspiraient les uns des autres : leur rivalité leur permettait de se surpasser pour aboutir à une remarquable richesse dans la qualité.

Passionné d'art hollandais de cette période, je place Vermeer en premier dans ma hiérarchie personnelle de l'histoire de l'art. J'ai eu la chance, en 1996, d'assister à la spectaculaire exposition qui se tint à La Haye dans laquelle 23 oeuvres du maître sur 36 connues étaient présentées. Une critique à venir certainement…
Pour en avoir vu la plupart, pour certaines plusieurs fois, je connais chacune des peintures de l'artiste exposées au Louvre. Je me permets donc de vous proposer une pérégrination virtuelle dans l'exposition. Je comparerai les toiles du « Sphinx de Delft » exposées avec celles d'autres artistes hollandais contemporains de l'artiste présentes également. Puisse cette visite virtuelle, sans images, permettre à ceux qui n'ont pas vu cette exposition de découvrir la beauté intemporelles des oeuvres de Johannes Vermeer « le maître de la lumière ».

Dès le début de l'expo, le Louvre nous confronte à la période picturale la plus intime, la plus mystérieuse de Vermeer, celle qui s'impose à l'esprit lorsque l'on évoque son nom : des tableaux de femmes de petits formats représentées dans des intérieurs bourgeois. « La Femme à la balance » est une de mes toiles préférées du peintre. Elle attire irrésistiblement les visiteurs.
La lumière de Vermeer irradie, enveloppant la femme d'un halo lumineux : pureté… harmonie… calme… sérénité …
Une jeune femme devant moi semble scotchée devant la toile. « C'est trop beau, me dit-elle… Une vierge… »
Je souris, compréhensif.
La femme semblait transpercée par la lueur sortant d'un vitrail dans l'intérieur sombre d'une église. Cette intimité spirituelle se retrouve souvent dans la peinture du Maître.
J'observe que la tête de la femme sur la toile est placée juste en dessous du Christ en majesté représenté dans le tableau du « Jugement dernier ». La lecture devient religieuse : juger c'est peser. le spirituel l'emporterait-il sur le temporel ?
À côté de « La Femme à la balance », une toile de Pieter de Hooch intitulée « La Peseuse d'or » est accrochée. Les deux hommes se connaissaient bien, ayant été voisins à Delft. le thème du tableau est exactement le même : on ne sait pas qui aurait pu inspirer l'autre… Personnellement je sais celle que je préfère.

La toile est minuscule, la plus petite de l'exposition : 24,5 x 21 cm. La jolie brodeuse, « La Dentellière », médite sur son ouvrage. Une harmonie en bleu et jaune… Contrairement à la plupart des toiles de l'artiste, la lumière n'est pas filtrée par une fenêtre à petits carreaux venant de la gauche. Elle tombe de la droite sur le profil de la jeune femme.
Aucun visiteur ne parle autour de moi… Une atmosphère mystérieuse entoure le tableau. Cette peinture est lumineuse, d'une simplicité grandiose, pensai-je. Je ne voyais que la dentellière et ses doigts si fins. Une délicate vibration lumineuse irriguait la toile dans ses moindres détails et faisait chanter les couleurs. Il ne s'agissait pas d'un clair-obscur à la Rembrandt où les ombres sont réservées à l'arrière-plan, ici de fines nuances colorées dispersaient les sombres et les clairs sur l'ensemble du motif.
Le peintre Gerard Dou, proche, fait pale figure. Vermeer a certainement vu la toile de ce dernier montrant une autre dentellière. Toutefois, il ne s'inspirera pas du visage aguicheur de la jeune femme, ni de cet encadrement théâtral avec un rideau rouge relevé présenté par son collègue. L'émotion n'est pas la même. Chez Vermeer, Il ne s'agit plus de peinture. Quelque chose d'autre... Indéfinissable…

J'ai réussi à me glisser juste à côté de touristes japonais installés, contemplatifs, devant les deux tableaux accrochés côte à côte : « L'Astronome » ; « le Géographe ».
Quelle chance de pouvoir assister aux retrouvailles des deux frères, le temps de cette exposition au Louvre. Un moment exceptionnel… Ceux-ci semblent heureux de se revoir ?
Fabuleux 17ème siècle hollandais, pensai-je… Nous sommes en pleine révolution scientifique. Vermeer s'intéresse à la connaissance de l'univers à travers la cartographie, la géographie, l'astronomie et l'optique. L'artiste a représenté deux savants plongés dans leurs études : le même homme semble avoir servi de modèle. Une signification allégorique ?
Je retrouve « L'Astronome » avec plaisir… Il est entré au Louvre en 1983, rejoignant ainsi « La Dentellière », une habituée du musée depuis 1870. Les deux seules toiles de Vermeer en France.
Une intense réflexion intellectuelle agite les deux personnages. Un merveilleux équilibre se dégage : une mélodie colorée rythmée par la lumière…
Deux toiles de Gerard Dou sont accolées aux Vermeer. Dou traite ses astronomes en clair-obscur à la façon de son maître Rembrandt ; chez Vermeer les savants oeuvrent en plein jour. Aucune attache artistique ne rattache les deux peintres que le style et la lumière séparent définitivement…

J'ai encore fait trop long… Je veux terminer ma présentation par la célèbre « Laitière » : on ne voit qu'elle à la télé, dans les magazines, et même sur les pots de yaourts… La peinture hollandaise présente rarement une servante comme motif unique d'un tableau. Serait-ce la servante de l'artiste qui s'appelait Tanneke ? A quoi pense-t-elle ?
Je retrouve la robuste femme que j'avais rencontrée au Rijksmuseum à Amsterdam il y a quelques années. Elle n'a guère changé, solide, les manches retroussées, la tête inclinée jaugeant le flot de lait s'échappant de la cruche en terre qu'elle tient de ses bras puissants. Une lumière venant de la fenêtre modèle son corps massif devant le mur du fond. Les couleurs affectionnées par le peintre sont présentes : bleu… jaune citron…
Une extraordinaire « nature morte » est disposée sur la table. Elle aurait pu être le motif unique d'un tableau : la jatte contenant le lait, un pichet bleu très sombre, une corbeille en osier et quelques petits pains.
La technique en touches fragmentées rappelle celle adoptée quelques années plus tard par les impressionnistes.
« La cuisinière hollandaise », une nouvelle fois de Gerard Dou, jouxte « La laitière ». Je jette un oeil distrait sur la toile où l'on retrouve les nombreux détails habituels utilisés par ce peintre : carottes pointées vers le spectateur, lanterne, une volaille pendue. La femme arbore un sourire entendu, égrillard. Aucune comparaison possible avec Vermeer, la sensibilité n'est pas la même…


J'aurais pu continuer longtemps… Pour ceux qui aime, comme moi, la peinture hollandaise et Johannes Vermeer, il est impossible de passer à côté du superbe catalogue de l'exposition que je conseille fortement. Un ouvrage d'art exceptionnel par la qualité de ses textes et une iconographie époustouflante présentant les oeuvres par thèmes, ces thèmes qui revenaient souvent dans la peinture du Siècle d'or : correspondances amoureuses, toilette, musique, mal d'amour, taquineries, la pesée, cordes sensibles, etc.
Le Louvre a frappé fort pour cette exposition-événement sur l'art hollandais.


Lien : http://www.httpsilartetaitco..
Commenter  J’apprécie          204



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}