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Critique de Zena14


"Les affaires d'Etat sont mes affaires de coeur", c'est comme un cri du cœur pour Rosalie Jullien qui entraîne le lecteur, grâce à son abondante correspondance – belle découverte des historiens dans les archives - au cœur de la période révolutionnaire la plus troublée de notre histoire moderne. le choix de ses lettres, opéré et commenté par l'historienne Annie Duprat, couvre quatre périodes, de 1779 à 1810.
Issue de la bourgeoisie citadine, épouse d'un député de la Drôme à la Convention, femme lettrée, nourrie aux auteurs anciens et aux idées des Lumières, Rosalie Jullien se passionne pour les débats publics, les évènements et les hommes impliqués dans la politique du temps. Elle lit les journaux et « campe » quasiment en permanence à l'assemblée et dans tous les lieux publics où il se passe quelque chose. Elle commente, non sans orgueil :
« La proximité du théâtre, le grand intérêt que je prends à la chose, une certaine sagacité que je me crois pour l'observation, me poussent, malgré moi, sur la scène d'où j'ai toujours rapporté des motifs de sécurité qui m'enhardissent ».
ou encore : « Ma brulante sensibilité, et ma bouillante activité m'ont porté souvent à l'Assemblée nationale, aux Jacobins, dans les promenades publiques où tout retentit des affaires présentes. Il me semble avoir fait dans ces endroits de si justes observations que je vois et prévois l'avenir avec une préscience que je crois prophétique. »
Pour un lecteur d'aujourd'hui censé avoir le recul et la possibilité de comprendre cette période en piochant dans les innombrables récits, études et analyses historiques disponibles, l'intérêt est de remonter le temps et de se retrouver dans la peau d'un témoin vivant de l'époque, pris dans le flot des évènements et des idées, et dont l'opinion évolue progressivement. Rosalie, en l'occurrence, vit passionnément ces moments et s'affirme peu à peu comme une fervente républicaine proche des Montagnards et de Robespierre, dans un contexte de crainte d'une contre-révolution, et malgré son dégoût du sang versé et du désordre.
En plusieurs endroits, on est saisi par son talent à rendre sensible pour son interlocuteur, le décor, le mouvement, l'atmosphère, y compris les états d'âme des personnes, que ce soit à l'occasion d'une fête, d'une réunion houleuse de l'assemblée ou d'un procès.
Pour autant, je n'ai pas toujours trouvé la lecture très facile ! D'une part, parce que la langue et le style de Rosalie Jullien m'ont semblé très «écrit», assez maniéré, semé de références ou de tournures plus ou moins faciles à saisir et, d'autre part, parce qu'elle écrit souvent de manière très allusive, sur des choses ou de gens connus de ses interlocuteurs (son mari et ses fils le plus souvent) mais donnant trop peu d'éléments concrets pour permettre de suivre. J'avoue avoir parfois « décroché ».
Les échanges épistolaires plus tardifs, dans une période moins troublée pour sa famille, et bien que Rosalie suive toujours avec intérêt la vie politique (campagnes d'Italie, Consulat…) – témoignent de plus de spontanéité, de moins d'emphase et de morale. La famille s'est agrandie d'une belle-fille et de petits enfants, les centres d'intérêt se diversifient et les sujets de la vie courante introduisent plus de légèreté et de simplicité.
C'est une lecture qui demande à mon sens un peu d'effort et de persévérance mais qui offre un témoignage véritablement intéressant. Merci d'avance aux citoyen(ne)s d'aujourd'hui qui prennent ou prendront leur plume, stylo ou clavier pour témoigner de notre époque !
Merci à Babelio et aux éditions Belin pour m'avoir offert cette lecture.
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