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Critique de Malaura


Quel plaisir de recevoir le grand livre de photographies « L'âme de la ville » pour l'une des opérations Masse Critique ! Quel plaisir de s'y plonger, d'y flâner, d'admirer l'art de la rue qui éclate à chaque page, de s'émerveiller de la créativité et de la généreuse expressivité des clichés de Jean-Pierre Dupuich qui révèlent la ville dans ce qu'elle a de plus attachant et d'humain !
De Paris à Madrid, de Londres à Barcelone, en passant par Lisbonne, Valence, Tanger, Budapest ou Glasgow, c'est un véritable musée à ciel ouvert auquel nous convient les deux auteurs de ce superbe ouvrage, Jean-Pierre Dupuich et Charlotte Louf.
L'oeil photographique de Jean-Pierre Dupuich, si plein de débordante humanité, nous dévoile la ville dans ses mille perspectives et ses mille variantes ; et parce qu'une image ne s'offre bien qu'avec des mots, les petits textes poétiques, ravissants et sensibles de Charlotte Louf auréolent les compositions photographiques avec tout autant de chaleur, de bonheur et de sincérité.

Le photographe et l'écrivaine ont arpenté les grandes cités d'Europe et d'ailleurs, quêtant au bout, qui de sa plume, qui de son objectif, le coeur palpitant de la ville, ce par quoi elle vit et respire, ce par quoi elle s'offre, se dévoile, se partage, s'exhibe et s'expose. Leur collaboration fertile et amicale a donné naissance à ce très beau livre sous forme de carnet de voyages, imagé et poétique, qui regorge de vie, de couleurs, de saveurs.
Images et mots, fondus, enchaînés, embrassés dans une démarche artistique et humaine, ne cessent de nous interpeler, nous laissant admiratif, rêveur, meurtri ou révolté.

Au détour de ses rues, dans l'ombre de ses parcs, dans la lèpre de ses vieux murs, dans la magnificence de ses monuments, dans la vie anonyme de ses habitants, dans le secret d'une alcôve, dans ses nuances et ses couleurs, la ville vit, palpite, trépigne, s'agite ou se repose, s'étire indolente, s'anime, se pare de joie les jours de fêtes, s'assombrit les jours d'orage, rit, chante, enrage, pleure parfois dans le giron dévasté d'une maison abandonnée, s'efface dans les vestiges des temps reculés, s'abîme dans les ruines d'un passé révolu, serpente au gré des siècles, le long des avenues, se perd, s'égare, s'enlise dans les profondeurs noires de la misère, s'élance en cris de liberté vers un ciel d'espérance…
Qu'elle soit havre de paix, refuge, zone, rade ou ghetto, la Ville est le creuset des civilisations, un bassin d'humanité où l'observateur attentif peut à tout moment découvrir son histoire, son souffle, ses colères, ses besoins, ses exigences, ses beautés culturelles et urbaines.
Devantures, rideaux de fer, murs décrépits, chantiers, carreaux brisés, graffitis…éclats, éclairs, zébrures, marbrures, éraflures, boursouflures…chantiers, voies ferrées, murs délavés…L'âme de la ville s'exprime ainsi, sur un mur tagué, sur une affiche arrachée, sur un étal de foire, sur la façade d'une maison, sur un volet à demi-fermé ou dans l'oeil mi-clos d'un chat alangui…
Et partout, où que se porte le regard, des hommes, artistes ou anonymes, rêveurs ou rebelles, ont laissé leur empreinte, ont marqué leur passage et le témoignage de leur génération sur la toile des murs. Fresques gravées dans le béton ou traces éphémères, leur galerie d'exposition se nomme la rue.
Alice Pasquini et ses superbes portraits de femmes, BToy et ses actrices d'autrefois magnifiques de sensualité, Ericailcane et ses animaux géants dévorant les façades et pleins d'autres encore, tous plus talentueux les uns que les autres, célèbres ou inconnus, à l'image de ce vieux mendiant, si émouvant, peignant à la craie, à même le bitume, des scènes religieuses.
Et puis au-delà du Street Art, il y a toutes ces choses bigarrées et insolites, et tous ces gens pittoresques et charmants qui font de la ville cette entité mouvante, émouvante, frémissante de vie, d'odeurs et de couleurs. Camelots, vendeurs à la sauvette, migrants, musiciens….ils offrent à la cité les lettres de noblesse de son humanité.

C'est tout cela : une boutique au charme d'antan, un heurtoir de porte, des chats en pochoir à l'angle d'une rue, un mur qui pleure les anciennes publicités qui le paraient jadis, toutes ces marques du temps, éternelles ou éphémères, que les auteurs ont ramené de leur périple urbain et qu'ils partagent avec nous dans ce grand et beau voyage photographique. Tout simplement habillé de poésie claire et naturelle, ce superbe album est de ceux qu'on aimera offrir autour de soi, notamment aux plus jeunes qui seront sûrement captivés par les images très contemporaines qu'il renferme.
En remerciant Masse Critique et les éditions Millefeuille pour ce sublime présent et en guise d'éloge au beau travail réalisé ici, nous conclurons en citant les vers du grand poète Emile Veraerhen dans son poème éponyme « L'âme de la ville » :
Elle a mille ans la ville,
La ville âpre et profonde…
Son âme, en ces matins hagards,
Circule en chaque atome
De vapeur lourde et de voiles épars,
Son âme énorme et vague, ainsi que ses grands dômes
Qui s'estompent dans le brouillard.
Son âme errante en chacune des ombres
Qui traversent ses quartiers sombres,
Avec une ardeur neuve au bout de leur pensée,
Son âme formidable et convulsée,
Son âme, où le passé ébauche
Avec le présent net l'avenir encor gauche…
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