AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Colchik


Lawrence Durell est un homme du Nord fasciné par la Méditerranée plus que par l'Orient. Séduit par la lumière et les couleurs de la Provence, il a passé la dernière partie de sa vie à Sommières.
Charlock, le personnage central du roman, aborde l'espace avec les yeux de Durrell. Tout d'abord, il y a Athènes où Charlock déambule familièrement, savourant la rusticité charmante du Plaka, sensible à l'aimantation de la cité autour du socle formidable de l'Acropole. Le Parthénon incarne la perfection de l'art grec, l'abstraction absolue posée sur un éperon de pierrailles et de verdure. Mais, la Grèce charnelle est là aussi, à portée de main, si bien que les bordels du Pirée deviennent presque romantiques, et touchants de simplicité dans les rudimentaires ustensiles de la profession.
Par contre, Charlock aborde avec circonspection l'Autre, Istanbul. Elle est avant tout Polis, la ville grecque perdue, la capitale d'un empire byzantin orpheline de ses enfants. Il ne reste donc qu'une ville étrange et étrangère qui dresse face au voyageur franchissant les détroits, des murailles – restes des anciennes fortifications – et offre l'image d'une impénétrabilité hostile. Les flèches des minarets symbolisent la conquête et sont de mauvais augure pour l'étranger qui s'égare en terre musulmane.
Le paysage sur les rives du Bosphore conserve une sorte de sauvagerie cafardeuse et sombre. Les cyprès parsèment les collines et se dressent tout contre le ciel, les buissons de genévriers envahissent les rives de petites criques rocheuses en une végétation un peu funèbre. Des jardins ténébreux exhalent le parfum des jasmins qui embaument l'air nocturne et Charlock observe la silhouette des palmiers qui se dressent ça et là. Pourtant, ces espèces végétales sont rares dans une ville où les rigueurs de l'hiver ne leur conviennent pas. Confusion avec l'Egypte ?
La Polis de Charlock ne semble habitée que par des fantômes, les habitants étant frappés de deux maux incurables : la décadence de leur culture et une modernisation artificielle, donc louche. Charlock croise quelques résidents ou passe-murailles empreints de nostalgie, mais les rares Turcs évoqués sont affublés de noms arabes (Saïd ou Omar), ce qui ajoute au théâtre mis en place par Durrell.
L'Istanbul décadente, dévorée de ruines et enfouie sous les symboles de son passé agit, comme un repoussoir, face à l'Athènes rayonnante de Durrell.
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}