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Critique de ZEIS


ZEIS
05 décembre 2021
L'auteur nous raconte l'invasion d'Ayiti et des îles environnantes par les premiers Conquistadors vue par les habitants (les Taïnos ) qui les peuplaient.
Ainsi nous suivons l'histoire de Mabo, Guanina, Yuisa, Ayala et bien d'autres auxquels se joignent par la suite des esclaves africains venus par caravelles (du moins ceux qui avaient survécu au voyage à fond de cale ), comme Kundiba ou Lemba.
Tous, Taïnos ou Africains, sont tenus en esclavage par ces Chrétiens qui enseignent l'amour mais qui leur envoient leurs bâtons de feu et leurs horribles chiens quand ils ne les terrifient pas avec leurs montures (les chevaux ).
Ces Chrétiens qui, pour l'amour de l'or puis, plus tard, la culture de la canne à sucre, leur infligent des tortures insoutenables, les poussant au suicide en s'empoisonnant au jus de manioc ou en se jetant du haut des falaises.
Tout au long de ce roman on sent monter le désespoir des Taïnos puis des Africains, un désespoir tel que les femmes finissent par tuer leurs nouveau-nés afin qu'ils ne connaissent pas l'esclavage tandis que les hommes s'épuisent sous les coups de fouet et meurent en cherchant l'or tant convoité par les Conquistadors !
Entre épuisement général, maladies nouvelles (variole ) et suicides collectifs, le peuple des Taïnos se meurt inexorablement malgré toutes les tentatives de rébellion.
Ce livre vous prend aux tripes et c'est pour cela que vous devez le lire !
C'est avec un pincement au coeur que j'ai quitté ceux avec lesquels je m'étais lié d'amitié le temps d'une lecture et que j'ai vu mourir les uns après les autres.
Aussi, afin de vous donner l'envie de découvrir ce merveilleux roman, j'aimerais vous inviter à fermer les yeux afin de conserver le souvenir des jours heureux en oubliant les tortures, les molosses espagnols qui déchiquettent les corps et les feux allumés sous les pieds des pendus, afin d'oublier l'agonie des "hommes bons".
Entendez les "areytos", ces chants et ces poèmes murmurés par les esprits des Taïnos et portés par les vents à travers la belle île d'Ayiti, écoutez les chants des "bihaos", les oiseaux du paradis dont les superbes plumes décorent les têtes des caciques (chefs ) de chaque village.
Imaginez les femmes Taïnos cueillant les plantes qui soulagent les plaies à base de maguey rouge et de pringamosa sous le regard bienveillant des hommes fumant le "cachimbo" ou pêchant le poisson quand ils ne façonnent pas de belles poteries avec de la glaise.
Imaginez les femmes cultivant les "conucos" (jardins ) ou cueillant des ananas, des corossols ou des chayottes lorsqu'elles ne bercent pas leurs enfants dans des hamacs.
Imaginez ce peuple doux scrutant attentivement le ciel et guettant l'apparition de la Constellation "des enfants bleus" annonciatrice de pluies bienfaisantes pour les cultures.
Entendez la reine Anacaona chanter les plus beaux "areytos" afin de séduire les Espagnols qui n'auront pourtant aucune pitié envers elle.
Et surtout, admirez la galerie aux mille peintures éclairée par les "cocuyos", ces petits coléoptères bioluminescents et représentant l'histoire des Taïnos avec, au centre, la figure gravée d'un cacique couronné d'un soleil.
C'est de cette vision, nous raconte Yannick Enet, qu'est née l'envie d'écrire ce roman.
Alors, je terminerai ce commentaire par cette citation d'Emile Nau:
"Laisser périr la pensée d'un peuple, ce qu'il y a de plus impérissable, est un crime plus barbare encore que de détruire jusqu'au dernier rejeton de ce peuple ".
Et j'ajouterai simplement que le soleil brille pour tous les hommes, qu'il se nomme "güey en langage taïno ou "mwese" en langue bakongo.

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