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Critique de kielosa


+++++++ ENFANT NUMÉRO 95 +++++++

La Namibie en Afrique australe, juste au nord de la République Sud-africaine, plus vaste que la France et le pays le moins peuplé du monde à la seule exception de la Mongolie, a été une colonie allemande de 1884 à 1915. Aujourd'hui, depuis son indépendance en 1990, autour de la capitale Windhoek (traduit : coin du vent), les Allemands sont à nouveau présents dans le secteur du tourisme et plus particulièrement la gestion des parcs naturels nationaux.

Entre ces 2 dates se situe l'épopée de la petite bantoue, Lucia Engombe, 7 ans, qui en 1979 devient l'invitée de la République Démocratique Allemande (RDA), jusqu'à la chute d'un certain mur à Berlin et son retour en août 1990 en Namibie.

Son père Immanuel en taule comme espion à la solde des Sud-africains, sa mère Tuahafifua arrêtée pour avoir lu un journal interdit, la petite Lucia et ses frères et soeurs avaient surtout connu la faim, lorsqu'elle fut accostée dans un camp de réfugiés en Zambie par un grand blanc avec la question : "Hola petite veux-tu voler avec moi en Allemagne ?" Elle n'avait aucune idée de ce que le mot Allemagne signifiait, mais peu après elle fut catapultée de la brousse à la neige.

Elle ignorait bien sûr qu'un accord bilatéral avait été conclu pour la promotion d'une future élite africaine, comme la Namibie en avait conclu déjà un avec le Cuba et la Tchécoslovaquie. L'accord de décembre 1979 portait sur 15 adultes et 80 enfants, dont notre Lucia. du vol de Luanda, en Angola, à Berlin, notre gamine se souviendra toute sa vie que pour la toute première fois dans sa pauvre existence quelqu'un lui avait demandé gentiment ce qu'elle désirait manger !

Deuxième grande surprise : l'énorme château de chasse de Bellin en Mecklembourg-Poméranie où les Namibiens furent casés et résideront presque 6 ans, jusqu'en 1985. de nos jours un hôtel 4 étoiles. Notre petite ne pouvait pas savoir que c'était l'épouse de l'homme fort du régime et, pendant plus d'un quart de siècle ministre de l'éducation, Margot Honecker (1927-2016), qui était derrière cette idée. La joie était à son comble, lorsqu'elle trouva dans les caves, après avoir mangé la 1re pomme de sa vie, une poupée, genre Barbie, aux cheveux blonds et yeux bleus.

Il y a une scène assez loufoque lorsque les nouveaux arrivés etaient invités à décliner leur nom complet et date de naissance, car elles avaient toutes des noms assez alambiqués, comme Lucia qui s'appelait Pandulenikalunga, ce qui voulait dire tout simplement "Loué soit le Seigneur". C'est ce qui explique l'introduction des numéros. Quant à la date de naissance, la question fut tranchée par la monitrice en chef Frau Polly.... en fonction du nombre de centimètres qu'elles mesuraient.

Ce sont les pages, où les 430 gosses namibiens découvrent en Allemagne tant de choses inconnues, tel le dentifrice, les bottes de neige, l'éclairage artificiel, Noël et le froid, qui font le charme du livre.
Sur une des photos que j'ai mise sur Babelio, on peut se rendre compte que Lucia Engombe était une adolescente heureuse dans sa classe très sérieuse et sévère en Allemagne.

Le contraire est également vrai : le retour en pleine confusion après la fin de la RDA vers la Namibie. Pour beaucoup d'entre eux un rapatriement catastrophique : leur famille étant introuvable, ils avaient oublié leur langue maternelle, l'Oshiwambo, et furent souvent rejetés par les autres comme des étrangers arrogants. Des Allemands noirs !

Selon Lucia Engombe et Naita Hishoono, qui travaille aujourd'hui à l'Institut namibien pour la démocratie, dans un récent reportage à la télé allemande, intitulée "Lorsque 2 montagnes nous séparaient", plusieurs "Ossies" (gens de l'est) disparurent totalement de la circulation, d'autres se lançaient dans des activités criminelles et certains se sont suicidés.

Notre héroïne fut une exception : elle a retrouvé sa mère et a obtenu son bac en 1994. Elle vit actuellement à Windhoek comme journaliste et travaille pour une chaîne de télévision.

Pour la rédaction de son ouvrage autobiographique, elle a reçu l'aide de Peter Hilliges, auteur de "Afrikanische Liebesmagie" (magie africaine de l'amour, de 2000). le livre est paru en 2004 et a connu chez nos voisins d'outre-Rhin un grand succès avec pratiquement chaque année une réimpression. Une traduction anglaise a été éditée en 2014 ("Child No. 95") et une traduction néerlandaise est en cours de route.
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