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Critique de Laureneb


Sororité et intersectionnalité. Voici deux mots qui pourraient avoir été forgés pour renvoyer à ce ouvrage, à la fois compilation de témoignages, « d'histoires » comme les appelle la Narratrice, de récits de vie de femmes qu'elle a rencontrées et dont elle s'inspire pour créer, mêlant le vrai, le faux, le vraisemblable, récoltant la parole et y mêlant son propre vécu, sa propre expérience. Sororité, ou la fraternité entre femmes, car les voix que l'on entend ne sont que féminines, que la Narratrice est elle-même une femme, qui convoque sa propre mère ou ses propres filles. Elle prend dans ses bras ses interlocutrices, leur caresse la main, regarde leurs photos de famille... comme nous pourrions le faire, nous lectrices, nous sommes inclues dans cette communauté, par-delà les âges, les continents, les milieux sociaux des personnages. Nous pouvons aussi nous retrouver à travers ces expériences communes des premières règles, des premières relations amoureuses, du désir, de la vie de couple... Mais, surtout, ce qui unit la très grande majorité de ces voix, c'est la souffrance, quasiment toujours causée par des hommes. Les hommes ne sont ici qu'en arrière-plan, souvent mari violent, père abusif, collègue violeur...
L'intersectionnalité, elle, est un concept politique et sociologique, qui renvoie à la multiplication des angles d'observation pour observer les phénomènes sociaux, croisant notamment le genre et l'origine. Ainsi, l'autrice elle-même renvoie dès la préface aux figures marquantes de l'afro-féminisme, pour insister sur le fait que toutes ses personnages sont des femmes, des femmes noires, et souvent des femmes noires pauvres. Elles cumulent donc les difficultés et les discriminations, souffrant à la fois du patriarcat et de la violence masculine (une femme obligée de fuir son village car voulant vivre célibataire pour faire ses études, une jeune fille devant être mariée à seize ans car enceinte), renforcée par le poids de la religion, des structures socio-économiques et de la corruption (une famille de grands propriétaires terriens ayant toute influence sur une ville, offrant ou refusant le travail, un riche couple enlevant la fillette d'une famille pauvre sans aucune recherche), et du racisme en raison de leur couleur de peau (une jeune fille qui ne peut être danseuse car trop noire, une autre qui n'est pas acceptée par sa belle-famille blanche...). Certaines souffrent même en plus de discriminations liées à leur orientation sexuelle, notamment la femme du premier texte qui est homosexuelle. Tous ces portraits de femmes dessinent en creux un portrait de la société brésilienne et de ses contradictions.
Si certaines histoires sont lourdes, difficiles, émouvantes, c'est finalement une vision optimiste que je garde en tête en ayant refermé le livre : ces femmes ont surmonté les épreuves difficiles, elles ont essayé de se reconstruire. Et, si elles réussissent à le faire – ou tentent de le faire, c'est grâce à la sororité, à l'entraide d'autres femmes, qu'elles soient soeurs, tantes, filles, enseignantes, auditrice comme l'autrice qui les a écoutées, ou lectrices qui emporteront une partie d'elles.
Je regrette néanmoins un certain côté répétitif avec des histoires qui se ressemblent, ainsi qu'une insistance sur les violences conjugales.
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