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Critique de UnKaPart


J'ai beaucoup pensé aux années 80-90, à leur cinéma riche en punchlines fracassantes, aux actioners qui ont fait la gloire des Vandamme, Norris et Seagal, aux films de SF et d'épouvante qui compensaient par leur inventivité le manque de moyens ou les limites techniques (The Hidden, The Thing).
Un hommage, un vrai, aux oeuvres de divertissement, séries TV, B, Z, bis, nanars. Aux genres populaires aussi (polar, horreur, SF), sous-littérature et sous-cinéma pris de haut par les péteux. Série B est un divertissement populaire : ça vanne, ça cogne, ça rigole. Et ça marche.
Pas comme un blockbuster ou un best-seller, non, ça c'est chiant. Trop lisse, trop calibré, trop de charges dans le cahier du même nom qu'a la taille d'un colosse (calembour qui fera plaisir aux égyptologues).
Perso, j'en ai marre de voir le même film vingt-cinq fois par an. Pareil de lire le même bouquin où le flic alcolo et divorcé traque sous le ciel gris un tueur en série abusé dans son enfance, où des vampires immatures bastonnent des loups-garous crétins entre deux introspections romantico-guimauves de cinquante pages, où le paysan que rien ne prédisposait à sauver le monde va jouer les Bruce Willis dans un univers de fantasy sans fantaisie.
Série B change.
Déjà ni la série ni l'auteur ne se prennent au sérieux. le Marco a bien compris que la littérature relevait d'une vaste blague : Homère, c'est jamais que de la chansonnette épique poussée pendant les banquets pour divertir. On est là pour se faire plaisir.
Falvo donne dans le clown plutôt que le clone. Certes, les six volumes sont truffés de références, de clins d'oeil, même de clichés, passages obligés et scènes téléphonées. Mais voilà, il le fait exprès et il le fait bien. Loin du repompage basique, il arrange à sa sauce, avec ses propres idées et son style bien à lui. Quand il te pond une scène déjà vue mille fois ou un deus ex machina moisi, il ne laisse pas la flemme prendre les commandes : il souligne l'artifice à deux ronds, déconne, joue avec les codes sur l'air de la comédie (on rit avec le bouquin) plutôt que du nanar (où on rirait du bouquin). Falvo s'amuse, on le sent et on s'amuse avec lui.
Une parodie qui ne flouse pas plus haut que son séant mais possède assez d'intelligence et de recul (comment veux-tu) pour dépasser le stade tsoin-tsoin du coussin péteur et de la compilation bébête. Une optique à l'ancienne plus Y a-t-il un pilote dans l'avion, Hots Shots ou La Cité de la Peur que les navrants Scary Movie et autre Spartatouille.
Pour chacun des tomes ET la série prise comme un tout, c'est drôle, bien écrit, décomplexé, riche, inventif.
Je ne peux que louer Fleur Sauvage – c'est la maison d'édition, pas un chef cheyenne – d'avoir tenté le pari d'éditer cet inclassable machin qui apporte un sacré “vent de fraîcheur” (expression qui, elle, est classée comme cliché puant).

En tant que série, l'ensemble fonctionne et carbure à cent à l'heure du premier au dernier mot. Pas de redite, d'essoufflement, de lassitude, rien qui donne l'impression qu'on n'en voit pas le bout.
Je ne sais pas si Falvo savait où il allait quand il a rédigé le premier tome. Avait-il un plan global ? A-t-il improvisé en route ? J'en sais rien. Vu les dates de sortie rapprochées, les bouquins ont sans doute été écrits dans un espace de temps assez restreint. En témoigne l'homogénéité narrative et stylistique.
Série B tient la route quand tant d'autres séries télé sentent l'impro foireuse des scénaristes en roue libre qui avancent en aveugle. Je dis séries télé, mais la remarque vaut pour pas mal de sagas littéraires (sagas ou séries – clin d'oeil à un débat avec Sophie Jomain) qui se perdent en route à tirer à la ligne et blablater dans le vent sans que rien n'évolue.
Chaque épisode met en scène un Kurtz qui reste Kurtz, loser génial et anachronique, et qui en même temps s'adapte. J'en parlerais bien comme d'un héros ordinaire, mais l'expression est éculée comme une production Brazzers. Un clampin héroïque, plutôt. Chevalier blanc face à une meute cannibale, loup solitaire en prison, chef d'équipe aux prises avec des saletés cthulhiennes, il enfile les rôles comme Rocco des actrices. Avec brio, sans qu'on ait l'impression d'une trahison de son identité en tant que personnage : il change, pareil à lui-même.
Enfin, ce que j'aime chez Falvo, comme chez d'autres “clowns littéraires”, c'est ce côté bouffon qui amuse la galerie en lâchant çà et là une vérité profonde qui pique. Un côté célinien que je mentionnais plus haut. Ne pas se contenter de raconter une histoire, ne pas se limiter aux effets de style, poète pouet et poudre aux yeux. Des réflexions sur la condition humaine, balancées sans prétention pontifiante, des constatations comme on s'en fait tous devant telle ou telle situation, nos choix, nos échecs… Pas assénées comme une formidable Vérité d'Auteur qui aurait tout compris à la Vie. Juste un personnage conscient de ne pas être taillé comme un héros au sourire Colgate grand-beau-fort-intelligent-drôle, qui fait ce qui peut avec ce qu'il a. Comme n'importe qui au quotidien dans la vraie vie de l'IRL. Quelque part, on est tous des Kurtz.
Lien : https://unkapart.fr/serie-b-..
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