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Critique de KiriHara


« Une étrange disparition » est le 15e épisode des aventures de « Marc Jordan », une série, à la base, de fascicules de 32 pages, double-colonne contenant, chacun, un récit indépendant d'environ 20 000 mots et qui a été publiée en 1907 par les éditions Ferenczi.

Pour replacer la série dans son contexte, il faut savoir que celle-ci fit suite à l'immense succès des aventures de Nick Carter, un détective américain qui, après avoir passionné les lecteurs d'outre-Atlantique depuis près de 20 ans, voyait ses traductions envahir avec autant de succès les pays d'Europe, dont la France, par l'intermédiaire des éditions Eischler.

L'auteur de la série demeure à ce jour inconnu.

Il est à noter que cette parution fut l'objet de la première incursion des éditions Ferenczi, dans le domaine du fascicule ainsi que dans le genre policier qui firent, l'un et l'autre, par la suite sa gloire et lui confère, aux passionnés de littérature populaire, un statut d'éditeur culte.

Une chanteuse a mystérieusement disparu de sa chambre d'hôtel. Ses draps sont retrouvés tachés de sang, le mobilier a été retourné et des objets ont été volés.

Pourtant, même si les journaux de la région de Bordeaux s'accordent pour dire qu'il s'agit d'un assassinat et s'évertuent à chercher le corps un peu partout, Marc Jordan, lui, est persuadé qu'il s'agit plutôt d'une fugue.

Aussi, quand il va être sollicité pour résoudre l'enquête, est-ce sur cette seconde hypothèse qu'il va se lancer...

On pourrait faire à ce 15e épisode peu ou prou les mêmes critiques que pour les quelques épisodes précédents (depuis que Marc Jordan n'a plus à affronter la bande du comte Cazalès et de Pépita la Rouge).

En effet, on constate que ces dernières aventures manquent cruellement d'aventures, justement, et d'action, les intrigues se concentrant plus sur des mystères à résoudre qui, normalement, requièrent une part d'investigation.

Seulement, ni le personnage, ni le style, ni le format, ne permettent au texte de s'épanouir dans cette voie.

Sur un format si court (ici, pas même 18 000 mots), et dans une série au long court, il est préférable de plonger dans l'action que dans la réflexion, car cela apporte moins de temps mort d'autant la concision inhérente à ce format court ne permet pas d'installer une ambiance et des personnages.

C'est une nouvelle fois le cas avec cette enquête qui, comme la précédente, se résout très rapidement, laissant à l'auteur quelques pages à noircir, ce qu'il fait, comme dans le récit précédent, en nous contant les confessions d'un des protagonistes de l'histoire.

Cette méthode permettant de façon factice et facile d'allonger la sauce, passe sur un épisode, mais sur deux d'affilés, ou plus, cela lasse un petit peu.

Heureusement, pour les lecteurs, plus encore d'aujourd'hui que d'hier, l'intérêt de cet épisode réside plus dans les inspirations de celui-ci (ce qui l'a inspiré et celui qu'il a inspiré) que dans le texte lui-même.

Effectivement, il est indéniable que « Une étrange disparition » publié probablement au début 1908, est très inspiré d'un fait divers, la mystérieuse disparition de l'abbé Delarue, curé de Châtenay dans le canton d'Auneau.

Le 24 juillet 1906, l'abbé Delarue, parti d'Étampes à vélo, disparu mystérieusement, sur la route le menant à Châtenay.

La police ne réussissant pas à résoudre l'enquête et à retrouver l'abbé, ou son corps, la presse s'empara de l'affaire et en fit ses choux gras.

Notamment le journal le Matin, qui organisa des battues, embaucha des trappeurs, offrit une prime de 1000 francs à qui retrouverait l'abbé mort ou vif, ce qui attira tous les détectives, fakirs, devins, cartomanciennes de la région... allant même jusqu'à requérir les dons d'une hyène capable de retrouver les corps enfouis sous terre :

http://www.corpusetampois.com/che-20-edmondfrank19060825curedechatenay.html

Au final, l'abbé n'était ni mort ni enlevé, il avait juste fugué avec une jeune paroissienne qu'il avait engrossée, ce qui n'empêcha pas, par la suite, aux journaux de noircir des pages avec les confessions des uns et des autres...

L'auteur de l'épisode de Marc Jordan ne cache d'ailleurs pas son inspiration en évoquant une disparition récente et proche d'un abbé ni même de l'utilisation d'une hyène dans son texte.

La seconde inspiration est à rechercher dans le sens inverse : non pas le fait ou le texte qui a inspiré l'épisode, mais le texte inspiré par l'épisode.

Pour cela, il faut avancer de presque 30 ans et se plonger dans la série « Marius Pégomas » de Pierre Yrondy.

En effet, l'antépénultième épisode de cette série, « Une atroce machination », se trouve être très inspiré (pour ne pas dire plus) de « Une étrange disparition ».

Même sujet, une disparition d'une cantatrice dans sa chambre d'hôtel. Lit défait, sang sur les draps (qui s'avère, dans les deux cas, du sang de lapin), époux avare et jaloux.

Dans les deux cas, il s'agit, en fait, de la fugue de l'épouse qui cherche à fuir le joug de son mari qui n'en veut qu'à son argent. Pour ce faire, aidée par son amant, elle fomente sa disparition pour se réfugier dans une maison isolée...

Au final, un épisode un peu mou, qui offre plus d'intérêt dans ses inspirations et celles qu'il provoquera que dans son récit lui-même...
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