Le sujet de cette bande dessinée, c'est la place de la femme dans l'art, à travers un portrait de la peintre
Artemisia Gentileschi (1593-1653). Elle fut la première femme admise à l'académie de peinture, mais son parcours ne fut pas tout rose. L'auteur fait le choix d'un graphisme moderne, le crayonné est brut, pas de cerne, pas d'encrage final, des formes, des silhouettes non réalistes, n'appartenant à aucun académisme, plus proche des artistes du début du XXe siècle, nabis et fauves que des classiques de la bande dessinée. Les couleurs sont naturelles, et bien que ternes, elles installent une belle lumière se référant à l'art de l'époque. Il y a un soin tout particulier apporté aux détails, dans quelques éléments d'architecture et surtout dans les motifs des robes, comme ce que vous pouvez voir sur la couverture. le graphisme ne cherche pas à rivaliser avec la peinture de l'époque, l'école du Caravage, mais il s'intègre à l'ambiance par ces petits détails et ces choix audacieux. On est dans la période baroque, entre une certaine ouverture d'esprit et amour des belles choses d'un côté et de l'autre, rigueur religieuse et rabaissement de la femme dans la société. C'est un très bel hommage, qui ne s'arrête pas à un simple récit de sa vie, qui met en parallèle la force du personnage avec celle de son oeuvre peinte. C'est le récit d'un combat, c'est presque une bande dessinée féministe, mais qu'il faut lier au contexte. L'art n'en est pas moins présent pour autant, il apporte un éclairage sur la peinture d'
Artemisia Gentileschi, c'est sans doute un parti pris, puisque le thème de Judith et Holopherne est un thème récurrent dans la période baroque, et dont la violence n'est pas spécifique à
Artemisia. Mais personnellement, j'aime les audaces d'interprétation, qui proposent une vision de l'artiste, totalement partiale. Prétendre à l'objectivité en matière d'Art est de toute façon sans intérêt. Si la véritable
Artemisia a inspiré
Nathalie Ferlut et
Tamia Baudoin au point de réaliser cette bande dessinée forte et intense, c'est sans doute que ses peintures se prêtent à l'émotion, et résonnent encore 400 ans plus tard. Et les auteures le lui rendent bien, avec talent et justesse.