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Critique de enjie77


Ce qui me fascine chez certains écrivains, c'est leur capacité à nous happer totalement, entièrement, au point que nous endossons avec frénésie la personnalité de certains de leurs personnages.
Lion Feuchtwanger fait partie de ceux là comme Stefan Zweig. La magie de leur plume nous jette un sortilège. Nous nous téléportons. C'est comme un dédoublement de personnalité. Nous revêtons ainsi d'autres costumes chargés d'une autre destinée (enfin c'est mon cas !).
Mélanger la grande et la petite histoire, c'est toujours un peu risqué. Mais Lion Feuchtwanger fait preuve d'une grande maîtrise. Il se saisit d'une possible légende pour nous faire découvrir l'histoire d'Al-Andalus, de la belle Tolède et surtout pour nous parler de la destinée tourmentée du peuple juif, lui qui a du affronter le nazisme : ce roman ayant été publié en 1955.
Il situe son récit au moment de la Reconquista. Tolède est redevenue chrétienne depuis 1085. Alphonse VIII, resté orphelin très jeune et dépossédé de ses terres par les familles Castro et Lara, n'a de cesse de se battre afin de reconquérir son royaume de Castille. Ses combats font de lui un guerrier, un chevalier chrétien et surtout un grand orgueilleux, grisé par ses conquêtes et sa position.
Marié à la fille d'Aliénor d'Aquitaine, Aliénor Plantagenêt, il est le grand-père de Saint-Louis par sa fille, Blanche de Castille.
Au moment de l'invasion musulmane de la péninsule ibérique, en 711, les juifs et les chrétiens y sont implantés depuis déjà fort longtemps. Les juifs sont particulièrement maltraités et persécutés par les Goths. Ils vont de ce fait accueillir avec bienveillance l'envahisseur. Beaucoup de juifs vont s'arabiser et devenir de grands collaborateurs des musulmans. Les émirs et les califes les utilisent volontiers dans l'administration, les finances et les activités économiques.
La situation des juifs se détériore considérablement à partir du XIème siècle avec l'arrivée des Almohades, dynastie intégriste, mettant un terme à la relative tolérance. Certains juifs émigrent vers les royaumes chrétiens, d'autres se convertissent pour ne pas quitter leur terre, ne pas abandonner leurs biens. Mais leur qualité de convertis n'est pas un secret aux yeux de la population musulmane ce qui leur confère un sentiment permanent d'insécurité.
C'est le cas d'Ibrahim, grand financier du royaume musulman de Séville, très riche, qui va être sollicité par le Roi Alphonse VIII afin de rétablir les finances de la Castille mises à mal après une campagne perdue contre Séville.
Ibrahim accepte de devenir l'escrivano du roi Alfonso. Il reprend sa véritable identité, Yehuda Ben Ezra. Il revient en terre chrétienne avec sa fille, la Belle Raquel et son fils Alazar.
Lion Feuchtwanger nous convie à deux histoires, celle passionnante de l'Espagne du Moyen-âge et de son roi Alfonso VIII et celle dramatique d'un d'amour interdit entre le roi très chrétien, Alfonso VIII, et de la belle juive Raquel. C'est d'une écriture particulièrement vivante qu'est écrit ce roman. Certaines scènes historiques sont d'une extraordinaire précision, d'un réalisme éprouvant comme celle de la bataille d'Alarcos en 1195 : défaite où l'ordre des Chevaliers de Calatrava sera décimé et celle particulièrement douloureuse de l'entrevue entre le roi, de retour d'Alarcos, et de la reine Aliénor où il laisse éclater sa colère après qu'il eut appris la fin tragique de son escrivano et de la Fermosa. C'est un instantané de cette période où chaque religion pense détenir la Vérité, où chacun considère l'autre comme un incroyant, un infidèle, où pour s'occuper, pour l'aventure, les guerriers chrétiens s'en prennent aux Infidèles, aux juifs. Terribles scènes de pillage, de meurtres, accompagnent les croisades sans aucune compassion pour l'enfant assassiné, la femme violée et éventrée, les hommes empalés comme les animaux.
Mais c'est le roman d'un écrivain qui a connu le Camp des Milles, qui s'est vu privé de sa nationalité, destitué de son titre de docteur, et qui aurait souhaité voir les communautés vivre en harmonie. C'est sans compter sur le fanatisme!
Lorsque l'on connait l'Andalousie, la force des descriptions nous emmène en voyage. Visiter Tolède après avoir lu ce roman doit être un enchantement, se promener dans la Juderia de Tolède, imaginer La Galiana, la synagogue Santa-Maria-la-Blanca, la mosquée du Cristo de la Luz, admirer l'architecture mudéjare, quel programme ! Et puis, cela permet de revoir son histoire, ce qui n'est pas négligeable.
Je finis ma chronique pour remercier mon amie sur Babélio, ClaireG, qui a eu la gentillesse de m'envoyer son livre puisque celui-ci est introuvable ! J'ai vraiment passé un excellent moment en compagnie de ce livre. Son geste me va droit au coeur : comme quoi la solidarité existe encore !
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