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Critique de moustafette


Un matin d'Avril 1976, le monde bascule pour Harry, 10 ans, et son petit frère, dit le Lutin, 5 ans, tous deux fils d'un avocat et d'une universitaire. Raison : parents dans le collimateur de la junte de Videla qui, le 24 Mars, vient de renverser le gouvernement d'Isabel Peron, la troisième épouse du celèbre président Peron.

Sortis de classe en plein cours sans repasser par la case maison, la famille s'installe à la campagne, non loin de Buenos Aires, dans une planque. Une nouvelle vie de quelques semaines commence alors, nouvelle identité pour tous, nouvelle école pour les enfants, répétitions de stratégie "branle-bas de combat" en cas d'urgence, questions réponses, correctes incorrectes....

Mais autour de quoi tourne le monde quand on a 10 et 5 ans ? Ses séries télé, ses copains, ses magazines, ses jeux pour l'un, son doudou Dingo, son pyjama, son Nesquik, sa tasse à bec verseur pour l'autre... Ouf, presque tout cela peut se racheter, sauf les copains évidemment. Même la vieille 2 CV tient le coup, ce qui permet quelques escapades, loin de là, chez les grands-parents. La vie reprend son cours même si la situation ne fait qu'empirer pour la liberté des adultes jusqu'au jour où la planque n'est plus sûre et où les parents doivent se résoudre à mettre les enfants à l'abri.

Ne vous fiez pas aux premières lignes qui pourraient vous faire croire qu'on va tomber dans le pathos. Il n'en est rien. Grâce aux ressources dont savent faire preuve les enfants, Harry, le Lutin toujours dans son sillage, va traverser ces quelques semaines en s'appuyant sur ce qui a toujours fait son univers, les superhéros, le jeu Risk, le feuilleton Les Envahisseurs, dont père et fils sont fans, et Harry Houdini, le célèbre magicien évasionniste, dont il découvre les exploits dans un livre abandonné sur une armoire sans doute par les précédents occupants de la maison, et dont il se met en tête d'égaler les exploits.

Beaucoup d'humour vous attend malgré la gravité du sujet. J'ai adoré le choix de la nouvelle identité de la famille, le père devient David Vicente, hommage aux Envahisseurs, le Lutin choisit Simon, comme Simon Templar, faut dire que le petit fait une fixette sur les saints, et Harry, comme Harry Houdini. La mère deviendra Flavia mais ne veut pas donner la raison de son choix....

De l'originalité dans la présentation du roman dont les parties se décomposent comme les heures d'un emploi du temps d'écolier en écho aux changements que tous vont rencontrer.

Des références à la mythologie et ses héros, au cinéma, aux grandes questions de l'univers, des portraits drôles et touchants comme seuls les enfants peuvent en faire (la grand-mère Mathilde est hilarante et la relation qu'Harry noue avec Lucas Tout Court, jeune clandestin qui rejoint la famille à la campagne, très émouvante). Bref une délicieuse parenthèse avant la tourmente, se dire l'essentiel, se dévoiler, oser, Risker imaginer un ailleurs et un avenir, loin là-bas comme au Kamchatka sur le plateau d'un jeu.

Un joli roman d'initiation qu'il ne faut pas laisser passer. le narrateur sait nous faire partager avec justesse et pudeur les ressentis des enfants, tout en sous-entendus, mêlant habilement au passé son regard d'adulte. Je souhaiterais que l'imaginaire soit encore ce qu'on ne peut ôter aux hommes.

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